Onze blessés parmi les forces de l'ordre, un mort et trois blessés parmi les manifestants. Tunis De notre correspondant Les forces de l'ordre tunisiennes sont parvenues à contenir les manifestations violentes organisées hier à la cité Ettadhamen (faubourg de Tunis), Ben Guerdane (frontière libyenne) et à Kairouan par des sympathisants de la mouvance salafiste Ansar Charia. Ces derniers sont sortis dans la rue pour exprimer le refus de l'interdiction par le ministère de l'Intérieur du meeting annuel d'Ansar Charia, qui devait se tenir hier à Kairouan. Onze blessés sont à déplorer parmi les brigades de l'ordre public, ainsi que trois manifestants. Comme cela a été prévu en rapport avec les préparatifs constatés ces derniers jours par le ministère tunisien de l'Intérieur, la ville de Kairouan était hier pratiquement barricadée par les forces de l'ordre pour empêcher l'arrivée des sympathisants d'Ansar Charia, dont le meeting, prévu pour l'après-midi d'hier, a été interdit. Tous les accès à la ville étaient passés au peigne fin. La place du supposé meeting était occupée par les forces de l'ordre. Même la brigade canine a fait son apparition. Une démonstration de force en bonne et due forme, comme la Tunisie n'en a pas connue depuis le 14 janvier 2011. Pourtant, la direction de ladite mouvance salafiste djihadiste n'a pas baissé les bras jusqu'au dernier moment. Les pages de sympathisants de la mouvance sur les réseaux sociaux avaient continué, jusqu'à samedi soir, à indiquer des voies détournées pour accéder à la ville de Kairouan, dans l'espoir de rassembler un nombre suffisant de militants afin de défier les forces de l'ordre et tenir le meeting. La direction a refusé d'obtempérer aux conseils des sages de la ville de Kairouan, l'imam de la grande mosquée Mohamed Khelif en tête, proposant un report du meeting en attendant de trouver un compromis avec les autorités. Nenni, continuaient-ils à dire lors des tractations. Il n'empêche qu'ils étaient gagnés par le doute, comme l'atteste l'incident à l'origine de l'arrestation de leur porte-parole, Seifeddine Erraïes. Ce dernier aurait en effet injurié les agents de l'ordre, samedi soir, au niveau d'un barrage aux environs de Kairouan, provoquant son arrestation. Le ministère public a ordonné l'ouverture d'une instruction judiciaire à son encontre pour «incitation au meurtre» contre les journalistes et les agents de la police. Manifestations violentes Finalement, résigné à l'impossibilité de la tenue de leur troisième meeting annuel à Kairouan, dans l'objectif de braver l'interdit du ministère de l'Intérieur, Ansar Charia a appelé ses sympathisants à le transférer à la cité Ettadhamen, un faubourg populaire à proximité de Tunis, où le mouvement dispose de sympathies parmi les citoyens. Au même moment, les membres du mouvement se sont rassemblés dans la mosquée de la cité Ennasr à Kairouan et également à Ben Guerdane. Les pages du mouvement sur les réseaux sociaux annonçaient des «meetings de prédication» et se vantaient de «la réussite du mouvement à braver l'interdiction du ministère de l'Intérieur». Mais sur le terrain, c'étaient des manifestations sporadiques avec des pneus brûlés et des jets de pierres contre les forces de l'ordre, notamment à la cité Ettadhamen. Les forces de l'ordre ont pourtant cherché à éviter la confrontation et opéré un recul tactique. On parle de près de 700 manifestants, dont certains ont usé d'armes blanches et de cocktails Molotov. Ces incidents ont provoqué onze blessés parmi les forces de l'ordre, dont un gravement atteint. De même, trois manifestants ont été blessés, dont un gravement. Une vingtaine d'arrestations ont été opérées, selon les sources du ministère de l'Intérieur. Les incidents se poursuivaient encore alors que nous mettons sous presse. Du côté de Kairouan, la manifestation de Bab Jelladdine, près de la mosquée Okba Ibn Nafaâ, a plutôt rassemblé des pilleurs et été vite dispersée par les forces de l'ordre. Par contre, le rassemblement de la mosquée de la cité Ennasr, sur la route de Haffouz, a rassemblé des centaines de sympathisants de la mouvance salafiste. Mais il n'a pas dégénéré. Tout comme le rassemblement de Ben Guerdane, cette ville limitrophe de la Libye, qui a réuni des centaines de sympathisants d'Ansar Charia qui se sont limités à scander des slogans contre le gouvernement. Ainsi s'ouvre une nouvelle page entre le gouvernement tunisien et les salafistes. Pour la première fois depuis le 14 janvier 2011, ils sont contrés avec une telle rigueur. Laquelle rigueur s'explique par leur accusation de terrorisme exprimée publiquement, avant-hier pour la première fois, par le chef du gouvernement, Ali Larayedh, dans une intervention sur Al Jazeera. Quels lendemains pour la lutte contre le terrorisme en Tunisie ?