L'Union européenne (UE) a-t-elle une politique proche-orientale ? Elle en a une effectivement, et même depuis bien longtemps, sauf qu'en termes de constance, il y a à dire. Elle vient de le rappeler à l'occasion d'un débat qui a tourné court puisque la décision d'étiquetage des produits des colonies israéliennes a été tout simplement reportée. Ni sanction ni embargo et par ailleurs sans incidence sur les relations économiques entre Israël et l'UE. Tout juste une décision souhaitée par les Palestiniens pour bien marquer l'origine des produits en question, soit les colonies israéliennes déclarées illégales par les instances internationales. Un débat devenu récurrent, porté aussi par des organisations européennes, mais au bout du compte, le silence. En octobre 2012, un rapport publié par 22 ONG indiquait que l'UE importait chaque année 15 fois plus de biens en provenance des colonies israéliennes que des Territoires palestiniens, soit 230 millions d'euros contre 15 millions d'euros. Il ne s'agit pas d'une simple comptabilité, mais de se conformer à un discours et de décisions découlant de la règle même de l'illégalité s'agissant, depuis au moins une année, d'appliquer pleinement «la législation européenne et les accords bilatéraux concernant les biens produits dans les colonies». Cela n'a pas été fait, la question n'ayant même pas été soumise à la récente réunion des chefs de la diplomatie européens. Comment aurait-il pu en être autrement quand la question palestinienne est étouffée ou déplacée dans l'ordre des priorités et des urgences, puisque, à entendre un ministre européen, ne sont considérées comme telles que l'Iran et le conflit syrien. Une espèce de sentence qui occulte le fait que l'Iran ne dispose pas encore de l'arme nucléaire, à supposer qu'une décision en ce sens ait été prise, alors qu'Israël, et de l'aveu même de ses dirigeants, dispose d'un arsenal nucléaire, dévoilant même les filières empruntées pour y accéder. Ni TNP ni inspections, mais «ambiguïté nucléaire», une formule inventée pour Israël. L'Europe aurait pu, avec ce vote même insuffisant, se rapprocher de sa position adoptée lors du sommet de Venise en 1980, soutenant le droit des Palestiniens à la création de leur Etat indépendant et s'opposant au processus de colonisation entamé au lendemain de la guerre de juin 1967. L'UE donne l'impression d'aborder la question palestinienne en s'attaquant aux effets, ce qui, aussi insuffisant soit-il, a tout de même un impact politique. Le report aurait été demandé par le secrétaire d'Etat américain, John Kerry, qui tentera cette semaine encore de relancer les discussions de paix israélo-palestiniennes. «John Kerry et d'autres hauts responsables américains ont demandé à Mme Catherine Ashton et à son équipe, de même qu'à plusieurs Etats majeurs de l'UE, de reporter l'entrée en vigueur de cette mesure», affirme un journal israélien. Une telle version n'a pas été confirmée. Ni infirmée d'ailleurs. Mais, ne manque-t-on pas de se demander, est-ce que la démarche américaine et le projet européen ne seraient-ils pas complémentaires afin justement d'affirmer la plus vaste opposition possible à la politique israélienne et d'amener les dirigeants israéliens à mettre fin à leur intransigeance ? D'ailleurs, ces derniers refusent jusqu'au gel de la colonisation, alors même et en vertu des résolutions du Conseil de sécurité, chacun de leurs actes en ce sens est illégal. La situation est telle aujourd'hui que la solution dite à deux Etats paraît difficile, sinon impossible à réaliser. Dans tous les cas de figure, il s'agit de réaffirmer des points de droit et de rendre justice au peuple palestinien, rien d'autre.