Romain Avril, vice-président de Carlson Rezidor Hôtel Group, nous a accordé un entretien exclusif. Il explique pourquoi son groupe s'intéresse au marché algérien de l'hôtellerie. -Comment jugez-vous le marché algérien de l'hôtellerie ? Le marché hôtelier algérien constitue, sans aucun doute, l'un des plus prometteurs du continent africain. Il est caractérisé par une offre inférieure à la demande et, dans ce contexte, les performances des hôtels existants dans les grandes villes, notamment à Alger, sont excellentes tant au niveau de l'occupation que du prix moyen. Le revenu par chambre disponible (Revpar), qui est le baromètre utilisé par les hôteliers pour mesurer la performance des hôtels, est le plus élevé en Afrique du Nord. Le marché hôtelier est également soutenu par une dynamique économique favorable et les richesses énergétiques du pays qui constituent une énorme manne financière. La demande pour le secteur hôtelier est importante tant au niveau international qu'au niveau national, où la demande domestique est largement insatisfaite par rapport à l'offre actuelle. La clientèle hôtelière est essentiellement composée des segments d'affaires, mais il ne faut surtout pas sous-estimer la clientèle tourisme local. A ce sujet, il convient de constater que l'offre de qualité dans le segment des ressorts est extrêmement limitée et les différentes Zones d'expansion touristique (ZET), qui sont en projet, doivent répondre aux exigences de cette clientèle. Il y a actuellement près de 2,5 millions d'Algériens qui voyagent à l'étranger, soit pour les affaires ou en touristes et l'enjeu sera de capturer une grande partie de ce segment en leur proposant des produits de standing international. Les chaînes hôtelières internationales sont encore peu présentes en Algérie, à l'exception du groupe Accor, qui compte déjà un certain nombre d'établissements et les perspectives du marché sont très prometteuses. Le groupe Carlson Rezidor est actuellement le premier groupe hôtelier en Afrique, avec plus de 50 hôtels et 10 000 chambres en exploitation et en développement. Par conséquent, l'Algérie est pour nous une priorité, étant donné qu'il s'agit du plus grand pays du continent avec un marché de plus de 35 millions d'habitants. Dans notre stratégie de développement, l'Algérie doit clairement devenir la «tête de pont» du groupe Carlson Rezidor en Afrique du Nord. Notre volonté est de nous implanter dans les principales villes du pays avec nos marques phare Radisson Blu (haut de gamme) et Park Inn by Radisson (moyen de gamme) et de participer à la gestion des infrastructures touristiques du pays qui vont être développées. -Avez-vous des contacts avancés avec des propriétaires d'hôtels pour aller vers le contrat de management ? Nous avons en effet des discussions avec différents promoteurs privés qui ont un ou plusieurs projets hôteliers dans leur portefeuille d'investissement, et qui sont situés dans les principales villes du pays. Aujourd'hui, il n'y a que très peu d'hôtels existants qui répondent aux normes internationales et qui peuvent être placés directement sous une enseigne internationale sans un important programme de rénovation. En revanche, beaucoup d'hôtels sont en cours de construction avec la structure du bâtiment déjà réalisée, ce qui a l'avantage de réduire considérablement les délais pour l'ouverture de l'hôtel. L'implication d'un opérateur hôtelier, à un stade avancé du projet, est essentielle afin d'optimiser les espaces, les coûts d'investissement pour le propriétaire et pour garantir la conformité des infrastructures aux standards de la chaîne. Notre souhait est de nous appuyer sur des partenariats stratégiques avec des investisseurs privés ou publics, qui regrouperaient plusieurs hôtels. Il s'agit sans aucun doute du moyen le plus efficace et le plus rapide pour se développer sur la base de fondations solides. Notre stratégie consiste à nous développer uniquement sur la base de contrats de gestion, à savoir une convention par laquelle la société propriétaire des murs et de l'équipement d'une entreprise hôtelière confie la gestion à un opérateur hôtelier, et qui consiste donc à réaliser une dissociation entre le capital et la gestion. Tous nos partenariats sur le continent africain sont établis sur ce type de contrat et il en sera de même pour nos projets algériens. Nous tenons également à préciser que tous nos projets potentiels ne sont qu'au stade des négociations et qu'il n'y pas de contrats signés pour le moment. -Avez-vous eu des entrevues avec les officiels algériens ? Etant donné notre ferme volonté de nous implanter durablement sur le marché algérien, il nous a semblé naturel de nous mettre en contact avec les autorités algériennes et nous avons déjà instauré un dialogue avec le ministère du Tourisme et de l'Artisanat pour lui exprimer nos ambitions et leur expliquer notre approche. Nous avons senti une réelle volonté des autorités du pays pour soutenir nos plans de développement et favoriser l'implantation d'un groupe comme le nôtre en Algérie. Notre volonté est de travailler en partenariat avec les autorités sur le principe d'une collaboration «gagnant-gagnant». Nous allons également contribuer à créer des emplois à travers nos projets d'hôtels et nous apporterons notre expertise en termes de gestion. Un des axes majeurs de notre philosophie réside dans la formation du personnel local dans les pays où nous exploitons des établissements et nous apporterons notre savoir-faire dans ce domaine à travers nos programmes de formation. -Votre société de renommée internationale a-t-elle été touchée par la crise ? Le contexte économique international, notamment en Europe, est relativement compliqué, mais nous observons un marché à 2 vitesses. Les pays nordiques (Scandinavie, Royaume-Uni, Russie), où notre groupe est fortement implanté (notre groupe était jusqu'en 2006 une filiale de la compagnie aérienne SAS), ont enregistré de bonnes performances avec des progressions positives de Revpar, tandis que les pays du sud de l'Europe (Grèce, Espagne, Italie) ont plus largement souffert étant donné la crise économique qui les touche. Or, nous sommes moins implantés dans les pays méditerranéens, à l'exception de la France, le groupe Carlson Rezidor a donc bien résisté à la crise. De plus, notre politique de développement est fortement axée sur les pays émergents et en voie de développement, puisque nous avons près de 80% de nos projets hôteliers (en nombre de chambres) qui sont situés dans ces régions, à savoir l'Afrique, le Moyen-Orient et la Russie. Nous regardons toujours avec beaucoup d'attention les opportunités en Europe, mais les banques sont actuellement très réticentes à financer des projets d'hôtels, ce qui ne semble pas le cas en Algérie. -Le secteur de l'hôtellerie est de plus en plus concurrentiel, car beaucoup de firmes ont exprimé leur volonté de venir. Quelle est votre analyse sur ce sujet ? Bien que l'Algérie soit historiquement un marché relativement fermé et difficile à appréhender pour les chaînes internationales, nous sentons que le contexte est en train de changer. Le pays est en train de vivre une véritable période de mutation et le moment nous semble particulièrement favorable pour réaliser nos ambitions. Comme j'ai pu le mentionner précédemment, très peu de chaînes internationales sont présentes sur le marché hôtelier algérien et compte tenu de l'énorme potentiel de ce secteur, il y aura largement la place pour satisfaire l'implantation des principaux groupes hôteliers internationaux et les différentes catégories d'hôtels, de l'hôtellerie économique, à l'hôtellerie de luxe, en passant par les hôtels d'affaires et balnéaires. L'arrivée de ces chaînes est un élément créateur de valeurs pour le marché algérien, puisque chaque groupe va contribuer à travers ses propres réseaux de distribution internationaux — notamment les centrales de réservations et les bureaux de vente régionaux à l'échelle mondiale — à générer des clients et des nuitées pour les hôtels qui n'auraient pas existé sans leur présence. La présence des chaînes hôtelières est également bénéfique pour élever le niveau des produits et des prestations qui seront proposés à travers tout le pays. Nous voyons donc d'un œil favorable l'arrivée de concurrents, pour autant que nous puissions nous positionner comme des leaders sur le marché, comme nous avons su si bien le faire sur le continent africain et en Russie. Nous comptons donc mettre, dès à présent, tous les moyens nécessaires pour accélérer nos plans de développement sur l'Algérie.