Une dizaines d'auteurs et illustrateurs sont réunis, durant deux mois (du 2 avril jusqu'au vendredi 31) à Dar Abdeltif, afin de créer cinq livres dédiés à la littérature jeunesse en Algérie. Cette création collective sera éditée prochainement. Nawel Louerrad. Bédéiste : créer un espace commun à la réflexion
Les duos se sont formés autour des cinq sujets qu'abordent les livres : l'abécédaire, les chiffres, les formes géométriques, la faune et la flore. Nous avons appris à nous connaître tout au long de cette résidence. Il s'agissait pour nous de créer un espace commun à la réflexion puis d'apporter chacun une lecture nouvelle au travail de l'autre. Cette expérience m'a offert la possibilité d'entrevoir la richesse et les subtilités d'un monde que je ne connaissais pas mais qui m'attirait. Etant moi-même un produit de l'éducation nationale, je sais ce que peut être l'impact d'une leçon, d'une histoire, d'un dessin qui prend l'enfant pour un imbécile ou qui ignore toute sa sensibilité, c'est simplement déstructurant. Je crois sincèrement que si l'on prenait les choses à cœur, on éviterait le pire.
Jean-Yves Hamon. Auteur : c'est déroutant de s'adresser aux enfants
L'écriture d'un livre jeunesse est un exercice de construction particulier, passionnel et curieux. Mon travail avec l'illustratrice ne s'est pas limité à une application de ma pensée, mais à une réelle interprétation de nos deux mondes. Le jeu (parce que c'est ludique) consiste à s'adapter au style de l'autre, tout en respectant ce code particulier du langage littéraire jeunesse. C'est déroutant de s'adresser aux enfants. Il y a ce souci d'apprentissage sans être moralisateur, intéresser l'enfant sans le manipuler. Je suis persuadé que nous y sommes arrivés, mais cela n'aurait pas été faisable sans l'aide de notre éditrice qui nous a permis d'unifier nos pensées sans pour autant nous frustrer. C'est dans ces moments-là que le mot collaboration prend tout son sens.
Jessica Chekroun. Auteure : j'ai appris à lire et écrire en arabe
Comme tout travail en équipe, chacun doit trouver sa place et s'adapter en fonction de son fonctionnement. De mon côté, j'ai fait ce que je sais faire, c'est-à-dire un travail de recherche en amont. Mon binôme était ma première source d'inspiration et de connaissance. Viennent ensuite les nombreux livres sur le sujet des alphabets, du langage et des langues parlées en Algérie. A dix jours de la fin, les illustrations et les textes sont finaux, même s'il y aura jusqu'à la dernière minute des améliorations à apporter. Grâce à ce projet, j'ai appris à lire et écrire en arabe, même si je dois avoir le niveau d'un enfant algérien de 4 ans ! J'ai découvert l'univers de la littérature jeunesse, et ce fut surtout une passionnante aventure humaine.
Marion Jaulin. Illustratrice : chacun a dû trouver des solutions Pour ce projet, il s'agissait de construire une histoire cohérente racontée à la fois par les mots et par les images sans que l'un ne prenne le pas sur l'autre. Un équilibre à trouver à deux qui induit évidemment de faire quelques compromis tout en préservant la singularité des deux univers. Aujourd'hui, le projet touche à sa fin, nous travaillons actuellement à la partie infographie, peaufiner les images et la mise en page des textes. C'est une expérience très enrichissante sur le plan artistique et professionnel. Chacun a dû trouver des solutions littéraires et graphiques en très peu de temps, en gardant toujours à l'esprit le jeune public auquel est destiné ce travail. Mais aussi sur le plan humain grâce à la cohabitation qui a été globalement assez sereine et enrichie de belles rencontres.
Rym Laredj. Illustratrice : les idées ont fusé à chaque instant
Cette résidence sur deux mois a été d'une grande richesse dans un premier temps, car elle se déroule à Alger, ce qui est très symbolique pour moi. Dans un deuxième temps, c'est un challenge à tout point de vue : les idées ont fusé à chaque instant et il a fallu les structurer. De plus, nos horizons différents nous ont chacun apporté une nouvelle vision des choses. Ecrire des livres pour enfants est un acte lourd de responsabilités. Il y a eu une grande concertation sur ce point, où le propos des ouvrages devait avoir, certes, une forme accessible aux enfants, mais surtout un fond qui leur apporterait un regard nouveau sur les choses qui les entourent, sans oublier le côté attrayant que devaient avoir les dessins, afin dans la dernière phase de la résidence, d'offrir aux enfants des livres beaux et intelligents.