Après Jean Ferrat, un autre monstre de la chanson française a déposé mercredi soir ses armes et rangé définitivement de côté sa guitare. Paris de notre correspondant Il s'agit de Georges Moustaki, décédé, mercredi soir, à l'âge de 79 ans, des suites de complications respiratoires. C'est à Nice, près de sa Méditerranée natale, en face de la mer, que le fils d'Alexandrie, s'est soustrait à la vie. Doucement et sans bruit. Né en Egypte en 1934, il est arrivé à Paris en 1951. Installé dans le 15e arrondissement, il a d'abord travaillé comme journaliste avant de se lancer dans la musique dans un piano-bar parisien. Sa disparition a été ressentie comme un tremblement de terre dans les milieux artistiques parisiens. Jeudi, le président François Hollande a salué la mémoire «d'un artiste exceptionnel, dont les chansons populaires et engagées auront traversé de nombreuses générations francaises». Parolier exceptionnel, doté d'une sensibilité des plus aiguisées, Georges Moustaki (de son vrai nom Giuseppe Mustacchi en grec) a écrit pour des sommités musciales françaises. A commencer par Edith Piaf, avec laquelle il aura vécu une histoire d'amour aussi trépidante que fougueuse. En guise d'adieu, il lui écrit la chanson Milord qui rencontrera un succès phénoménal en France et dans le monde. Il y aura aussi Yves Montant, Barbara, Serge Reggiani et bien d'autres chanteurs, considérés, aujourdhui, comme des références mondiales. Ami de Léo Ferré, de Brel, c'est surtout avec l'autre Georges, en l'occurence Georges Brassens, qu'il s'est lié d'une profonde amitié. A Paris, ensemble, ils ont écumé les cafés et les scènes, tout content d'être encouragé dans son parcours musical débutant à cette époque. D'ailleurs, c'est par admiration à Georges Brassens que Moustaki a choisi de se prénommer Georges lui aussi. Homme de gauche, proche des thèses trotskistes, Moustaki a fait de sa guitare et de ses compositions un moyen de lutte contre l'injustice sociale, la dictature. Il participera activement aux événements de mai 1968 à Paris, et gratifiera son public d'une de ses plus belles chansons, Le Métèque. Une sorte d'hommage romantique évoquant la vie d'un étranger un peu rêveur et sans attache. Dors bien l'artiste et adieu le «Métèque » C'est le début d'une carrière internationale et un prélude pour tant d'autres succès, comme Il y a un jardin, en 1971, Humblement il est venu, en 1975, Si je pouvais t'aider, en 1979, Méditerranée, en 1992, mais aussi Odéon, en 2003 et Solitaire, en 2011. Autant de chansons et de succès chez un homme réputé pour son calme, sa simplicité et sa générosité. Et comme si la chanson ne lui suffisait pas, Georges Moustaki a écrit de nombreux livres dans lesquels il tente de raconter sa vie, ses désirs et ses regrets. On peut citer, par exemple, Les filles de la mémoire, dont la préface a été écrite (excusez du peu) par le grand écrivain brésilien, George Amado, en 1989. Lors d'une interview donnée à La Croix, en octobre 2011, le «Métèque» avait avoué sa difficulté à continuer à chanter à cause de ses problèmes pulmonaires. Des difficultés qui l'ont obligé, en 2008 par exemple, à mettre fin à un spectacle qu'il donnait à Barcelone, tout en expliquant qu'il ne pouvait plus continuer, car il avait du mal à respirer. Sans lui en vouloir, la salle a applaudi le poète qui est descendu de son piedestal en toute modestie. Après 50 ans passés à l'île Saint-Louis (Paris) dans un appartement jonché d'instruments de musique et de livres, Georges Moustaki a tronqué la vie bruyante parisienne pour les douceurs ensoleillées niçoises en Méditerranée. C'est là-bas, au milieu des fleurs et des chants d'oiseaux qu'il s'est retiré en prenant soin de garder quelques amitiés qu'il voyait de temps en temps. Affaibli, dénué de force, ne pouvant plus s'adonner à son sport préféré, le tennis, il a néanmoins pu écrire quelques livres, comme L'abécédaire amoureux de la chanson, paru en 2012 chez Archipel. En 2011, il publie aussi un autre ouvrage intime et magnifique dans lequel il relate ses souvenirs d'enfance, à Alexandrie, en Egypte, dans la grande librairie que tenait son père, mais aussi à Paris et au Brésil qu'il a souvent visité. Homme de beauté et d'élégance, humble et riche de cœur, il a réussi le pari de se faire aimer d' Edith Piaf, de plaire à Jeanne Moreau et d'accompagner Barbara dans son périple musical. Une performance difficile à égaler. C'est dans le Midi, sur les hauteurs clémentes de Nice que l'homme, à la barbe fournie et aux cheveux offerts aux vents, a choisi de partir. Sur la pointe des pieds. Avec la mort de Moustaki, c'est un autre grand pan de la chanson française qui a pris le chemin de l'au-delà. Dors bien l'artiste et adieu le «Métèque».