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«La législation régissant l'indemnisation des victimes d'actes terroristes est limitée» Djamel Abbaci. Conseiller en assurance auprès des grandes entreprises
L'attaque terroriste contre le complexe gazier de Tiguentourine a permis de lever un coin du voile sur les lacunes du système national de gestion du risque terroriste au sein des grandes entreprises. Des lacunes sur lesquelles reviendra dans cet entretien Djamal Abbaci, conseiller en assurance auprès des grandes entreprises. -Quelles sont les lacunes auxquelles est confronté le système national d'assurance contre le risque extrême ? L'attaque perpétrée contre le site gazier de Tiguentourine est un sinistre événement qui doit nous inciter à réfléchir profondément sur la couverture d'assurance existante en Algérie de ce genre de risque majeur. Tout le monde sait que l'attaque de Tiguentourine n'a pas seulement causé mort d'hommes mais a également fait subir à l'entreprise concernée, et au-delà, à l'économie nationale, un dommage matériel important. L'évaluation du montant de cette perte fait actuellement l'objet d'une expertise et, à ce jour, seul un train de production sur les trois existants a pu être réparé. Mieux encore, cette tragédie nous a aussi interpelés pour faire le bilan assurantiel de nos entreprises économiques et voir si elles sont parfaitement couvertes contre le risque spécial communément appelé Actes de Terrorisme et de Sabotage (ATS). Pour répondre à votre question, je dois préciser que sur le plan technique, le cadre juridique en Algérie n'a jamais fait de la souscription de la garantie actes de terrorisme et de sabotage une obligation d'assurance, que ce soit pour les personnes physiques ou morales. -L'indemnisation des victimes d'actes terroristes est pourtant instituée par des textes de loi qui remontent aux premières années de ce phénomène… Certes, il existe le décret exécutif n° 94-91 du 10 Avril 1994 qui fixe les conditions d'indemnisation des victimes d'actes de terrorisme et le fonctionnement du fonds d'indemnisation. Seulement, cette législation est limitée à plusieurs niveaux : elle ne fait pas obligation de souscrire une assurance pour bénéficier de son avantage, ne concerne pas les personnes morales de droit privé ou public. Seules les personnes physiques victimes des actes de terrorisme sont concernées. Enfin, l'indemnisation opérable sur la base du décret en question porte exclusivement sur les risques simples tels que la multirisque habitation, l'assurance automobile ainsi que l'indemnisation des dommages corporels. Cependant, la question qui se pose aujourd‘hui, à la lumière des derniers événements, est de savoir si, en l'absence d'un cadre juridique obligatoire, nos entreprises économiques souscriveront-elles une telle garantie et comment est-elle conçue par les assureurs ? A ce propos, force est de souligner que dans notre pays, la souscription de la garantie ATS n'est pas obligatoire. Les entreprises économiques, établissements publics ou autres sont libres de la contracter, et cette question relèverait plutôt de la démarche du Risk-management, malheureusement très peu développée chez nous. -Et le marché d'assurance du terrorisme en Algérie, comment a-t-il réagi à l'attaque d'In Amenas et comment peut-être envisagée sa réaction à d'éventuelles nouvelles attaques ? En Algérie, la situation est complexe, très confuse. L'absence de la prise en charge par l'Etat de la garantie ATS a poussé toutes les compagnies d'assurance à s'adresser au marché mondial de la réassurance pour acheter ce produit, et le revendre de manière facultative aux éventuels demandeurs de cette couverture. Les conditions de vente de ce produit par les réassureurs étrangers sont sévères et les entreprises économiques intéressées n'auront d'autres choix que de souscrire ou de ne pas souscrire cette garantie susceptible de critiques sur plusieurs points : l'engagement du réassureur pour la couverture de ce risque est de 25% seulement de la valeur totale d'assurance, la prime payée par les assurés est basée sur la valeur totale d'assurance alors que le réassureur limite son engagement financier d'une part, et impose une franchise élevée de 10% sur chaque sinistre d'autre part, l'obtention de la garantie ATS par les assureurs est conditionnée à la conclusion d'une garantie principale qui est l'incendie. Par ailleurs, nous avons relevé que les plus grandes entreprises économiques activant en Algérie ne souscrivent pas cette assurance pour des raisons inexpliquées, à l'image de Sonatrach, tandis que ceux qui la souscrivent ne la prolongent pas à la perte d'exploitation. En Grande-Bretagne, qui a connu des attaques terroristes, les grandes entités économiques souscrivent une garantie ATS étendue à la perte d'exploitation. En Algérie, il n'en est rien. Le cas de Tiguentourine est, à ce sujet, illustratif car non seulement les installations industrielles ne seront pas indemnisées en raison de l'absence de couverture contre les ATS, la perte d'exploitation ne pourrait pas, elle non plus, être compensée. Jusqu'à aujourd'hui, un seul train de production de gaz a été réparé, et par conséquent, les pertes prévisibles pourraient se chiffrer en millions de dollars. Il est certain que le marché mondial de la réassurance reste très prudent en ce qui concerne la vente de ce produit d'assurance mais ceci ne peut justifier l'absence d'une organisation adéquate et efficace en Algérie. -Quelle pourrait-être la forte initiative susceptible d'aider à trouver des solutions durables et, au-delà, assurer une meilleure couverture financière du risque terroriste dans notre pays ? La solution la mieux adaptée consisterait en la création par le Ministère des Fiances d'une société d'assurance à capitaux mixtes en association avec l'Etat, ou la mise sur pied d'un pool de co-assureurs. Aussi, comme cette assurance revêt un caractère de solidarité nationale, il serait alors logique que le législateur algérien légifère sur cette garantie et la rende obligatoire dans les contrats dommages, qu'ils relèvent des risques simples ou industriels. Ce qui permettra aux acteurs économiques de mutualiser leurs risques au sein d'une communauté d'assurés, et ainsi de se protéger contre des événements aux conséquences importantes qu'ils pourraient difficilement couvrir seuls. Aussi, la constitution d'un fonds alimenté par les cotisations des assurés permettra sans doute d'offrir de meilleures conditions de couverture et une participation complémentaire de l'Etat de manière définie.