L'Assemblée nationale a adopté, jeudi 16 mai, une proposition de loi du Front de gauche supprimant le mot «race» de la législation française. Lyon De notre correspondant L'article premier de la nouvelle loi votée par l'Assemblée nationale stipule que «La République française condamne le racisme, l'antisémitisme et la xénophobie. Elle ne reconnaît l'existence d'aucune prétendue race.» Le mot race sera ainsi supprimé du code pénal, du code de procédure pénale et de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse. Pour le rapporteur de la proposition, Alfred Marie-Jeanne, «le mot ‘‘race'', qui est un concept aberrant, ayant servi de fondement aux pires idéologies, n'a pas sa place dans notre ordre juridique». Cette décision, traduite par la législation, vient accomplir, en partie, une des promesses du candidat Hollande qui avait indiqué que le mot «race» serait supprimé de la Constitution française, sans se douter de la complication de l'appliquer en raison de l'imbrication européenne d'un tel vote, qui devrait, d'autre part, être entériné par le Parlement aux deux tiers de sa composition. Ainsi, le mot «race» est maintenu dans les textes du droit européen et les textes internationaux. Pour Christine Taubira, ministre de la Justice, «cette dimension symbolique dit très clairement le refus, dans le cadre de l'idéal républicain, de faire de la prétendue origine raciale une catégorie sociale. L'idéal républicain condamne donc sans réserve toute distinction fondée sur cette référence». Pour un député de la majorité qui s'est exprimé lors du débat à l'Assemblée nationale, «la France, une fois n'est pas coutume, sera pionnière en Europe. volontariste, elle prouve qu'il est désormais possible, juridiquement, de ne plus faire référence à ce mot sans affaiblir – bien au contraire – la lutte contre le racisme, qui progresse malheureusement dans notre territoire. La France sera donc légitime pour plaider devant les instances européennes et internationales et se faire l'ambassadrice de la suppression du mot ‘‘race''. Nous nous honorerions d'être les premiers à le faire». D'autre part, a-t-il également indiqué : «Le mot ‘‘raciste'' peut être substitué aux termes ‘‘race'' ou ‘‘racial'' dans cinquante-cinq des cinquante-neuf articles concernés. Il n'est en effet pas question de prendre le risque d'un vide juridique, ou de la relaxe de prévenus fondés sur le principe de rétroactivité de la loi pénale plus douce. Ainsi, et c'est là l'essentiel, la prévention et les poursuites sont sécurisées.» Les députés de l'UMP ont voté contre cette proposition de loi. Ainsi Lionel Tardy devait déclarer : «Le droit est suffisamment complexe, instable et mouvant. De grâce, ne commençons pas à le déstructurer en profondeur ! On commence aujourd'hui avec le mot ‘‘race'', et demain, à qui le tour ? Quels groupes idéologiques se mettront à demander que l'on enlève certains mots ? On ouvre la boîte de Pandore !». N'est-ce pas là l'art de défendre l'indéfendable, ou bien un naturel qui revient au galop ? Pandore ? N'est-ce pas là, le synonyme de ce gendarme, ce militaire qui, au nom de la différence des races, a fait beaucoup de mal dans les colonies françaises, dont les ressortissants n'ont pas oublié le code noir, ou bien le code de l'indigénat. Reste à savoir si la suppression du mot race supprimera le racisme, dans un pays épinglé récemment à ce sujet comme le plus raciste d'Europe, selon une étude du Washington Post, reprise par El Watan le 21 mai (page Epoque). Selon le député Alfred Marie-Jeanne, «la suppression du concept de race... ne fera évidemment pas disparaître le racisme. Elle ôtera cependant au discours raciste, hydre à nouveau rampante, la forme de légitimation de l'existence des races qu'il peut tirer de la présence de ce mot dans la législation. Vouloir maintenir à tout prix le mot ‘‘race'', n'est-ce pas, en effet, admettre implicitement son existence ? Le code pénal se réfère à ‘‘l'appartenance réelle ou supposée à une race''. C'est un comble ! Qu'est-ce que ‘‘l'appartenance réelle à une race'' ?». Poser la question, n'est-ce pas répondre qu'accepter cette notion revient à justifier ce qui nourrit le racisme ? Cela ouvre sur une dernière interrogation : changer la loi, cela fait-il évoluer les mentalités ? C'est à espérer.