A peine le Premier ministre tente-t-il de se relever de la crise du CPE que le scandale Clearstream (nom d'une banque luxembourgeoise) lui éclate à la figure. L'affaire remonte à février 2001. C'est à cette date qu'un employé de ladite banque, remercié par son patron, décide alors de faire circuler des milliers d'archives compromettantes sur son employeur. L'homme parle d'« un circuit occulte de blanchiment d'argent qui passe par une kyrielle de ‘‘comptes secrets'' non publiés ». Portées sur la place publique, les révélations provoquent un remous au sein de la banque luxembourgeoise. Celle-ci décide, alors, d'éplucher près de 8000 comptes clients dont 57 appartenant à des Français. En juin 2004, un mystérieux « corbeau » (indicateur anonyme) envoie un cédérom comportant des noms de personnalités françaises qui auraient touché des « commissions occultes », à la suite de la vente de six frégates françaises à la marine taïwanaise. Les noms de Nicolas Sarkozy, d'Alain Madelin, de Jean-Pierre Chevènement et de Dominique Strauss-Kahn apparaissent alors dans le cédérom. La justice s'empare de l'affaire et interroge la banque mentionnée. Celle-ci, après de nombreuses recherches et recoupements, disculpe les personnalités citées et met au grand jour une tentative de manipulation et de diffamation à l'égard de Nicolas Sarkozy. Le nom de ce dernier aurait été ajouté sur la liste juste pour lui nuire. L'affaire plonge l'Etat français dans l'embarras. L'épisode aurait pu se terminer là. Mais voilà que le retour de Nicolas Sarkozy aux affaires en juin 2005, comme ministre de l'Intérieur, la relance de plus belle. Voulant démasquer le fameux corbeau qui aurait injustement ajouté son nom sur la liste des bénéficiaires, il dépose plainte en mars 2006, tout en se constituant partie civile. D'enquêtes en perquisitions, les juges d'instruction chargés d'instruire cette affaire entendent un ancien général des services secrets français, Philippe Rondot. Après de longues heures d'interrogatoire, ce dernier avouera que c'est « Dominique de Villepin, avec l'aval de Chirac, qui m'a demandé de procéder à des vérifications nécessaires sur la liste pour savoir si les personnalités citées possédaient effectivement un compte chez Clearstream ». De scandale financier, l'affaire prend une tournure politique. A une année des élections présidentielles, Nicolas Sarkozy accuse en catimini Chirac et De Villepin de chercher à le discréditer politiquement, en vue d'amoindrir ses chances de présidentiable. Ce à quoi les deux hommes répondent par la négative. Samedi dernier, Jacques Chirac « avait démenti catégoriquement d'avoir demandé la moindre enquête visant des personnalités politiques dont le nom figurait sur la liste ». Idem aussi pour Dominique de Villepin. Se disant « choqué », il a déclaré « qu'il n'était jamais question de s'intéresser à une quelconque personne ». Pourtant, le mal semble déjà fait. Et la crise prend des proportions grandissantes. Dénonçant « une affaire d'Etat », le Parti socialiste presse le Parlement de « faire toute la lumière sur le fonctionnement de l'appareil de l'Etat et d'établir d'éventuelles responsabilités politiques ». Il a aussi invité le Premier ministre à « quitter au plus vite ses fonctions ».