Malgré la mise en garde, mardi, des rebelles touareg qui avaient une nouvelle fois menacé, à partir de Ouagadougou, de mettre un terme aux négociations avec Bamako et de reprendre les armes dans le cas où l'armée malienne déciderait de pénétrer dans la région de Kidal, le président Dioncounda Traoré a ordonné à ses troupes de faire mouvement vers le nord du Mali afin de reconquérir la localité contrôlée par les éléments du Mouvement national de libération de l'Azawad (MNLA) depuis la fin du mois de janvier dernier. Des affrontements ont, en effet, éclaté hier entre des rebelles du MNLA et des soldats maliens à Anefis, une localité située à environ 100 kilomètres au sud de Kidal. «Nos troupes ont eu des accrochages dans la zone d'Anefis, face à des bandits armés qui ont subi beaucoup de pertes en véhicules et en hommes», a déclaré Souleymane Maïga, le porte-parole de l'armée malienne. Lors d'un point de presse animé en milieu de journée à Bamako, destiné à dresser un premier bilan de l'opération, Souleymane Maïga a fait état de «dix morts dans les rangs du MNLA et de la capture de 28 éléments». Une autre source gouvernementale malienne a précisé en outre qu'«Anefis est complètement sous (…) protection». De leur côté, les responsables du MNLA ont certes reconnu avoir quitté Anefis, évoquant un «retrait stratégique». Ils ont toutefois contesté le bilan livré par Bamako. «Pour éviter que les populations civiles ne soient touchées, nous avons fait un retrait stratégique en dehors de la ville pour préparer notre contre-offensive», a affirmé le porte-parole du mouvement, Mossa Ag Attaher. Kidal est, rappelle-t-on, l'un des principaux points de discorde qui opposent Bamako au MNLA. Après la libération des principales villes du Nord, occupées par des groupes armés, suite à l'intervention des militaires français, tchadiens et nigériens, l'armée malienne a été autorisée à reprendre le contrôle de toutes les localités de la région, sauf celles de Kidal. La rébellion a en effet refusé qu'elle foule le sol de la ville qu'elle contrôle, l'accusant d'avoir mené des exactions notamment contre des Touareg et de chercher à en commettre d'autres. Au départ, la mesure du MNLA avait été appuyée par Paris. Mais cela ne semble plus être le cas aujourd'hui. Paris se range du côté de Bamako La France a, à ce propos, appelé hier les «groupes armés» du nord du Mali à «déposer les armes». A l'occasion, elle a réaffirmé son soutien aux «efforts des autorités maliennes pour réinstaller leur administration au nord du pays». Pour le gouvernement français, l'attitude du MNLA risquerait de compromettre la tenue du premier tour de l'élection présidentielle du 28 juillet. «Il ne peut et ne doit y avoir au Mali qu'une seule armée» qui a «vocation à se déployer sur l'ensemble du territoire», a déclaré le porte-parole du ministère français des Affaires étrangères, Philippe Lalliot. Ce «redéploiement» doit s'effectuer «de manière pacifique» et «c'est pourquoi nous appelons les groupes armés à déposer les armes et à poursuivre les discussions avec les autorités maliennes», a-t-il ajouté. S'agissant de la décision du MNLA d'expulser des habitants de Kidal sur la base de la couleur de leur peau, Philippe Lalliot a rappelé que la France «a fermement condamné les violences et les arrestations fondées sur la couleur de peau qui ont eu lieu à Kidal». Par rapport justement aux reproches faits par le gouvernement malien de transition aux rebelles touareg du MNLA qu'il a accusé de se livrer à des arrestations de Noirs à Kidal, les chefs du mouvement autonomiste touareg ont expliqué hier que «c'est plutôt le Mali qui s'apprête à faire une épuration raciale à Kidal». «Nous n'avons pas commis d'exactions contre les Noirs à Kidal, c'est faux. Nous avons mis en place des patrouilles pour lutter contre les infiltrations d'éléments de l'armée malienne, justement. La preuve : la maison d'un de nos chefs a été la cible d'un attentat-suicide», a expliqué Moussa Ag Assarid, représentant des rebelles touareg du MNLA en Europe. Quid maintenant du processus de dialogue ? Les négociations entre les représentants des populations de l'Azawad et Bamako sont-elles compromises après l'offensive de l'armée malienne ? Si du côté français, on se voulait encore optimiste hier, les chefs du MNLA et ceux du Haut conseil pour l'unité de l'Azawad (HCUA) se sont en revanche montrés sceptiques quant à la possibilité d'engager des discussions après une telle «agression». Pour eux, cette offensive montre que le gouvernement n'a aucune volonté de trouver une solution politique à la crise. Dans un communiqué signé hier conjointement, le MNLA et le HCUA ont ainsi tenu surtout «à prendre à témoin la médiation, la France et toute la communauté internationale devant l'agression perpétrée par l'armée malienne et ses milices contre leurs positions (…) au moment précis où la médiation met la dernière main au démarrage des négociations prévu pour le 7 juin 2013». «Cet acte délibéré confirme que l'Etat malien n'est ni pour la paix ni pour les élections. Il confirme aussi que l'Etat malien accorde très peu d'importance aux efforts de la communauté en faveur d'un règlement négocié du conflit», ont ajouté ces deux mouvements dans leur communiqué conjoint. En un mot, la réconciliation nationale au Mali paraît non seulement mal engagée, mais risque aussi de reproduire les erreurs du passé.