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«Les banquiers ne veulent plus s'impliquer dans la prise de risques» Abderrezak Trabelsi. Délégué général de l'Association des banques et des établissements financiers
La classification des créances est régie par un texte de la Banque d'Algérie. Des paramètres et des critères permettent aux banques de procéder à la classification de ces créances ; ils permettent aussi à l'autorité de régulation, qui est la Banque d'Algérie, de vérifier au cours de ses inspections que la classification des créances respecte la réglementation. Il y a plusieurs critères. Il s'agit, à titre d'exemple, de l'âge de la créance. Ce critère est indicatif de la difficulté qu'un client peut avoir à honorer ses engagements. Une échéance impayée de 90 jours donne une indication sur la situation du client. Elle n'est pas la même lorsque cette échéance a 6 mois. Ce genre d'indications permettent à la banque un suivi de ses clients. Elles permettent aussi à la Banque d'Algérie d'avoir des éléments tangibles et mesurables pour une supervision la plus fine de la situation et du portefeuille des banques. Les créances douteuses sont un concept général qui peut englober plusieurs choses. Ce sont des échéances non remboursées pour lesquelles les banques procèdent à une classification. Elles ne reflètent pas toutes une même réalité.
- A partir de quel moment une banque commence-t-elle à provisionner pour une créance et qu'elle peut considérer que celle-ci est en contentieux ?
La réglementation impose une certaine classification. Pour celle-ci, la banque n'a pas le choix. Si elle a une échéance impayée qui a atteint 90 jours, elle a l'obligation de prendre un certain nombre de mesures, notamment en termes de provisionnement. Cependant, il y a l'appréciation du risque propre de la banque. Une banque peut connaître ses clients et avoir accès à des informations autres que le retard de paiement, à l'image de difficultés sérieuses pour l'entreprise. Celle-ci peut aller au-delà de ce qui est exigé par la réglementation. Celle-ci impose juste un minimum.
- Est-ce qu'une banque peut surseoir à la classification d'une créance ?
C'est dans ce cas que ça arrive. La banque peut constater un retard qui entre dans le cadre des classifications réglementaires. Mais l'entreprise réagit, sa situation s'améliore. Là, il y a des procédures et des techniques de provisionnement connues des banquiers et réglementées. Si le client a assaini sa situation, on procède à une réintroduction des provisions. C'est pour cela que l'on doit faire la différence entre retard de paiement et impayé. C'est réglementé. Il y a impayé lorsque le retard rattrape la nouvelle échéance ou atteint 90 jours. A ce moment, la banque est obligée de provisionner au moins 30% du principal en plus des intérêts échus. A 6 mois, c'est 50% de provisionnement ; la créance est provisionnée à 100% au bout d'une année. Une banque peut avoir une créance contentieuse définitivement classée et provisionnée à 100%. A ce moment-là, elle peut faire jouer les garanties pour récupérer son argent et réintégrer les provisions.
- Il arrive qu'une banque accorde des crédits pratiquement sans garantie…
En matière de crédit, la garantie est accessoire. On a tendance à considérer abusivement que c'est la garantie qui crée le crédit. C'est faux. Ce qui crée l'acte de crédit, c'est l'évaluation du risque d'un projet qu'une entreprise a présenté. A partir du moment où un projet est considéré viable, la banque peut le financer. Celle-ci va aussi couvrir le risque contre les éléments du projet, mais contre des événements improbables sur lesquels on n'a pas d'emprise. C'est pour cela que la garantie est accessoire et qu'on ne parle de garantie que dès le moment où l'on a décidé de financer un projet.
- Comment expliquez-vous alors le taux de 16% de créances non performantes, considéré par la Banque d'Algérie comme étant très élevé ?
Le taux des créances non performantes n'est pas de 16%, mais de 4%. C'est un taux tout à fait acceptable et qui entre dans les standards. Le taux de 16% pris en compte par la Banque d'Algérie ne prend pas en considération les garanties qui existent pour pondérer les provisions à constituer et qui couvrent les créances non performantes. Quand on opère les compensations, les créances non performantes ne pèsent que 4%. Ce n'est pas le rôle de la Banque d'Algérie de faire ces compensations, c'est le rôle des banques. Ailleurs, il existe des sociétés de défaisance. C'est pour cela qu'elles viennent de créer une filiale, Sogicim, dont la mission est de recevoir, par mandat des banques, les actifs pris par les banques en garantie des crédits donnés et récupérés pour les mettre en vente. Cela permettra aux banques de nettoyer leurs bilans.
- Pourquoi procède-t-on alors à un assainissement des créances ?
Cela n'a rien à voir avec l'activité des banques. Cela bénéficiera aux entreprises privées, notamment celles qui ont réalisé des investissements qui étaient rentables au départ et qui, pour des raisons d'environnement économique et de climat des affaires notamment, ont décalé leu plan de charge et tombent dans l'imprévu. Le rééchelonnement permettra de lever les contraintes de trésorerie et à l'entreprise de dépasser cette difficulté temporaire pour produire et tenir ses engagements. Cela n'a rien à voir avec les créances douteuses, qui sont des créances définitivement compromises.
- Lorsqu'on évoque certaines affaires traitées par la justice, l'on s'interroge sur la manière avec laquelle des crédits ont été accordés grâce à des trafics d'influence…
Je ne peux pas répondre à ce genre de questions. Je peux répondre à des questions qui ont trait à un fonctionnement normal. Mais vous ne pouvez pas empêcher, dans n'importe quelle activité, que sur 100 000 intervenants, il y en ait un qui fasse une entorse aux règles. Cela existe dans tous les métiers. On ne peut pas extrapoler cette situation tout à fait singulière à l'ensemble d'une situation normale.
- Croyez-vous que cela soit réellement singulier et êtes-vous sûr qu'il n'existe pas plusieurs cas similaires ?
Tout à fait. Beaucoup d'entreprises ont des crédits et les remboursent le plus normalement du monde. S'il y a une activité, une seule, qui est réglementée en Algérie, c'est l'activité bancaire. Il n'existe pas d'autre activité soumise à autant d'organes de contrôle et de supervision. Une banque est contrôlée en interne par le contrôle interne et l'audit interne ainsi que l'audit externe. Il y a aussi le contrôle de la Banque d'Algérie, de l'IGF et de la Cour des comptes.
- Vous reconnaissez cependant que certaines personnes arrivent à tricher. Comment croyez-vous qu'elles passent au travers des mailles du filet ?
La question n'est pas de savoir si elles arrivent à tricher. La question est de savoir si ces personnes se font prendre ou pas par les différents mécanismes de contrôle. La réponse est oui à tous les coups. Parce que les mécanismes et les procédures de contrôle sont tels que vous ne pouvez pas y échapper. S'il y a un problème dans l'activité bancaire, c'est le problème inverse. Par précaution, les banquiers ne veulent plus s'impliquer dans la prise de risques. C'est un problème très sérieux. C'est comme cela qu'on massacre l'économie. J'aurais souhaité voir des gens dire pourquoi les banquiers ont peur et qu'est-ce qui est possible de faire pour qu'ils aient moins peur. Il faut arrêter de conduire une opinion basée sur le délinquant et non sur le reste des professionnels de la banque. Il est facile d'attribuer tous les problèmes aux banques. Comme il était aisé, à un certain moment, d'accuser les banques de ne pas assez financer l'économie alors que nous avons des taux de croissance du crédit à deux chiffres depuis 5 ans. C'est la preuve que l'on fait des procès d'intention pour rien.
- Selon les règles prudentielles, une banque n'a pas le droit d'accorder plus de 25% de ses fonds en crédits à un seul client… Elle n'a pas intérêt à le faire effectivement, sinon la Banque d'Algérie intervient. Les crédits accordés sont déclarés à la Banque d'Algérie. Il y a une centrale que toutes les banques doivent consulter. Ce sont des choses qu'on ne cache pas. Je le répète, il n'y a pas d'entreprise ou d'institution qui soient plus transparentes qu'une banque. Les banques, déclarent ce qu'elles font mensuellement, trimestriellement, semestriellement et annuellement.
- Que pensez-vous de l'option de titrisation des créances ?
C'est quelque chose qui peut être très utile. C'était une option qui pouvait être utile il y a quelques années, à un moment où le marché était moins liquide car des banques qui étaient limitées dans leurs capacités à donner des crédits parce qu'elles n'avaient pas de ressources suffisantes. La titrisation leur aurait permis de titriser les créances détenues, d'avoir du cash pour pouvoir financer d'autres projets. Sauf qu'on a pris du retard dans la mise en place de la titrisation. Et au moment où nous étions prêts, nous sommes entrés dans une phase où il n'y avait pratiquement plus de problème de liquidités. C'est toujours intéressant de le faire, mais les gens n'en voient pas l'intérêt aujourd'hui.