Une première dans les annales politiques algériennes. Un Premier ministre flanqué du chef d'état-major envoyé à Paris, capitale de l'ancienne puissance coloniale, dans un hôpital militaire où est admis le président Bouteflika, avec les attributs usurpés dévolus au Conseil constitutionnel de constater de visu les aptitudes toujours intactes de Bouteflika pour poursuivre son mandat présidentiel. Les déclarations rassurantes faites par ce M. Sellal, appuyées par un communiqué officiel de ses médecins accompagnateurs, ont-elles convaincu l'opinion que la vérité, toute la vérité a été dite sur l'état de santé réelle du Président ? Peu sûr. L'initiative en question s'apparente beaucoup plus à une opération de marketing politique destinée à couper court aux informations, vraies ou fausses, ayant circulé sur la santé du Président via les médias qu'à une volonté subite de transparence des pouvoirs publics dans la gestion de ce dossier. Lequel devient de plus en plus pesant à manager compte tenu de ses implications sur le fonctionnement des institutions et les échéances politiques et électorales qui attendent le pays. La question est de savoir de quel mandat les deux émissaires envoyés d'Alger étaient-ils investis. Leur mission consistait-elle à briser l'encerclement politico-médiatique qui s'est nourri de la défaillance de communication institutionnelle et de l'absence d'image depuis son transfert pour soins en France, voilà près de cinq semaines, en se portant témoin devant l'opinion que le Président va mieux et que, par conséquent, toutes les spéculations politiques qui ont circulé sur la vacance du pouvoir sont malvenues ? Cela semble bien être le cas. Le choix du Premier ministre et du chef d'état-major vise clairement à faire passer le message selon lequel le Président gouverne dans la plénitude de ses moyens et qu'il a toujours le soutien de l'armée, en écho à ceux qui appellent à un coup d'Etat institutionnel en précipitant l'application de la procédure d'empêchement. Ces deux hommes, étant connus pour être proches de Bouteflika, ont la confiance totale du chef de l'Etat qui ne consentirait pas à ouvrir son intimité autour de laquelle il a déployé jusqu'ici un cercle de feu, n'autorisant que sa fratrie à accéder au secret de son dossier médical. Le respect de l'ordre protocolaire aurait voulu que ce soit Abdelkader Bensalah, le président du Sénat, qui est le plus indiqué pour cette mission spéciale en sa qualité de seconde personnalité dans l'architecture de l'Etat. Tout laisse penser que cette option a été écartée pour ne pas que ce choix soit interprété comme le signe d'une passation de pouvoir en bonne et due forme. Reste la dernière hypothèse qui est tout aussi plausible et qui consiste à se demander si Bouteflika n'a pas été piégé en se découvrant et en permettant, pour la première fois, à de hauts responsables de l'Etat, représentants des pouvoirs politique et militaire, de s'enquérir de l'état de santé réel du Président en débarquant dans sa chambre d'hôpital. La mission officielle du Premier ministre et du chef d'état-major ne cache-t-elle pas une mission spécieuse pour le compte d'officines, en Algérie, qui auraient trouvé cette parade pour exfiltrer le dossier de santé de Bouteflika en s'informant à la source pour pouvoir sortir de la quadrature du cercle dans laquelle la maladie du Président a plongé le pays en respectant les formes légales et constitutionnelles dans les décisions qui pourraient être prises ? En politique, la notion d'amitié et d'allié est relative. Le carriérisme et les intérêts priment dans beaucoup de cas sur les convictions et la fidélité à un homme.