L'histoire que nous mettons sur papier aujourd'hui est extraordinaire, absolument extraordinaire, tant elle nous a surpris, étonnés et même plus, stupéfaits. De plus, elle est intelligente et belle, car elle nous permet de penser et croire que l'être humain devient intelligent et audacieux lorsqu'il met en avant son pouvoir de réflexion. Et pourtant notre histoire a pour ingrédient principal et déclencheur un appareil, un instrument que nous n'apprécions guère, le mobile, plus précisément le téléphone portable. Ce «machin» ne pousse les êtres humains, à notre avis, que vers le bavardage, la futilité et la bêtise. Heureusement que notre histoire nous ramène à des sentiments plus vrais et plus justes. Elle se rapporte à la vie de cette jeune fille, de 18 ans à peine, que ses parents, personnes simples et fragiles, ont eu sur les bras dès l'âge de 16 ans, lorsque l'école l'a rejetée de façon brutale et précoce. Dès lors, ils n'avaient qu'une pensée, qu'un objectif, la marier, c'est-à-dire la caser au plus vite dans une famille convenable et si possible plus aisée que la leur. Notre jeune fille, qui a eu la chance immense d'être belle et élégante, «hâdra» comme on dit chez nous, passait son temps à aider sa mère, à regarder les feuilletons à la télévision et à attendre avec impatience la sortie hebdomadaire au bain maure, en compagnie de sa mère. Sa vie ressemble bien sûr à celle de presque tous nos jeunes, garçons et filles, qui ne savent point ce qu'est une sortie pour un spectacle, une pièce de théâtre, un film, un voyage touristique, l'achat d'un livre, etc. Alors que nous sommes en… 2013 ! C'est pourquoi nous préférons reprendre le fil de notre histoire. Des parents proches et lointains, des voisins, des connaissances se mirent au «travail» pour aider notre brave famille à trouver le prétendant, le bon parti. Les résultats ne se firent point attendre, et seulement deux mois plus tard, une famille, qui se disait grande, se présenta un beau vendredi après-midi pour demander la main de notre héroïne, car tel est son nouveau rôle. L'affaire fut bien engagée, ce qui amena les demandeurs à se rendre auprès de leur nouvelle future belle famille à plusieurs reprises et tout particulièrement à l'occasion des fêtes religieuses. Ils arrivaient toujours les mains chargées de fruits, de friandises et de présents destinés à leur future belle-fille, et parmi ces derniers, un magnifique et cher téléphone portable, le dernier à la mode. En ces circonstances, il faut bien sûr montrer que nous sommes riches, que l'opulence est de notre côté, car le paraître et l'exhibitionnisme sont alors les seules règles : les grosses bagnoles garées devant la maison et le poids des cadeaux en sont la preuve tangible. En un mot, les conciliabules allèrent bon train et la date du mariage a même été fixée pour l'été, juste après le Ramadhan. La vie continuait tranquillement, avec cette seule différence que la nouvelle fiancée commençait à manipuler son mobile pour appeler, de tant à autre, son fiancé. Plus le temps passait, plus leurs conversations s'allongeaient. Au début, il lui arrivait de passer des nuits entières à parler, à interroger, à poser des questions. Elle attendait chaque nuit avec angoisse pour continuer son travail de prospection pour essayer de tout savoir, de tout comprendre pour connaître au mieux son futur mari. Ses premiers doutes commencèrent, lorsque malgré toute son insistance son prétendant ne disait rien, restait silencieux quant à son caractère, ses sentiments, son projet de vie. Pour toute réponse, il ne lui parlait que de fric, commerce, containers, villas, bagnoles. Il ponctuait toutes ses phrases par cette formule choc «moi je veux devenir très riche et vite» et à tout bout champ il invoquait leur voyage de noce en Malaisie dans un hôtel 5 étoiles. Elle, par contre, toute naïve attendait avec de plus en plus d'impatience, de l'écoute, de la tendresse et des mots d'amour, pourquoi pas ? Après le doute, la déception l'envahit, mais courageuse et têtue, elle continua avec persévérance son travail de communication, communication authentique, car elle ne voulait surtout pas se tromper et prendre des décisions qu'elle regretterait plus tard. Par la suite, elle a compris la gravité du moment et passa de longues heures accrochée au mobile pour confirmer toutes les affirmations qu'elle avait entendues. Elle sentit même qu'elle l'ennuyait, l'agaçait et qu'il cherchait des prétextes pour raccrocher. Courageuse et déterminée, elle prit alors sa décision ultime et irrévocable : ce garçon ne sera jamais son mari, car ils n'avaient rien à partager et leur vie en commun n'aurait été qu'un lamentable malentendu. Lorsque, quelques jours plus tard, assise avec ses parents pour le dîner, grave et tremblante, elle leur fit part de sa décision avec une voie bien basse, elle eut l'immense soulagement de constater qu'eux aussi étaient soulagés, car ils étaient en accord avec elle. Pour notre part, nous avons envie de conclure avec ce bout de phrase, «enfin un portable utile».