Ouled Haoussa revendique la fusion dans la musique diwan comme une forme efficace d'ouverture sur le monde. Béchar De notre envoyé spécial Blues, jazz, reggae... Ouled Haoussa explore sans complexe l'univers musical pour interpréter autrement les bradj du diwan. Une démonstration nocturne a été faite, mardi, au stade Enasr à Béchar, lors de la cinquième soirée du 7e Festival national de la musique diwan. L'esprit diwan était bien là, gumbris et karkabous à l'appui, mais il y avait aussi d'autres sonorités. Chez les Ouled Haoussa, la fusion est une identité, une quête d'ouverture. Sur scène, cela apparaît avec vivacité et charge rythmique. Le gumbri dit toujours son dernier mot, les percussions le suivent. «Nous sommes restés dans la tradition, mais nous avons ajouté des expressions musicales sans sortir de l'esprit africain. Nous n'avons pas changé les bradj. Nous avons interprété Bouderbala, Daoui, Manan Dabo. Ce soir, le public nous a beaucoup aidés à mener le concert», a précisé Aïssa Soudani, leader du groupe. Composée et arrangée par Aïssa Soudani, la chanson Salou al nabi a pris des couleurs bluesy. «Moi, je me retrouve bien dans le blues, ça me rend tranquille. Le gumbri me fait le même effet. En chantant, on ressent une certaine histoire. Une histoire ancienne», a confié Aïssa Soudani. Cette chanson fera partie de la douzaine de titres du troisième album du groupe qui sortira après le Ramadhan prochain. «Nous allons garder, dans cet album, notre style de fusion. Le diwan reste pour nous la base. A partir de là, on peut varier l'expression mélodique. Il y aura une dizaine de nouvelles chansons avec deux bradj pour ''la baraka''», a relevé Aïssa Soudani. Il se dit favorable au renouvellement de la musique diwan. «A une seule condition, savoir se renouveler. Il ne faut pas s'éloigner du chemin du diwan. On peut intégrer des instruments, comme le saxophone ou les percussions. Cependant, il ne faut pas dénaturer le bradj du diwan en changeant les paroles par exemple. Déjà, il nous a été difficile d'introduire les instruments modernes dans notre groupe», a-t-il expliqué. Ouled Haoussa envisage d'ajouter un piano à queue et un saxophone à leur ensemble musical. «Le piano garde l'esprit jazz et blues», a confié le leader du groupe. Le saxophone justement est bien présent dans le jeu musical du groupe Noudjoum Diwan de Sidi Bel Abbès. Dahmane Dendène, l'ex-saxophoniste de Raïna Raï, semble avoir bien trouvé sa place dans ce groupe que mène maâlem Youcef Maâzouzi. «Dahmane connaît bien le diwan. Il fait partie de ma famille. Nous sommes voisins. On se voit tout le temps. Cette année, je lui ai proposé de monter avec nous sur scène à Béchar», a indiqué le maâlem. La présence de la derbouka aide, selon lui, à intensifier les percussions. Noudjoum Diwan a interprété un bordj haoussa, Migzhaoua et Maro. «La musique est universelle. Nous n'avons pas le droit de tricher, ni de stagner. Il faut évoluer. A l'étranger, plusieurs groupes ont réussi grâce à la fusion. Avec Gnaoua El Bahia, c'est un début. Le saxophone avec le diwan, c'est une première. Pour moi, c'est une bonne chose. Nous avons fait des essais avec le saxophone, cela a bien donné. J'ai déjà essayé le gumbri avec la clarinette, le clavier, la basse et la guitare. Le cocktail était bon», a appuyé Youcef Maâzouzi. Le groupe Dandoune de Ghardaïa, qui a précédé Noudjoum Diwan sur scène, est resté dans le traditionnel. Avec des tenues toutes en blancheur, le groupe a interprété les bradj, Salou ala nabina, Laâfou, Yambara, Aïcha, Seyou et Bouderbala. Dandoune Sidi Blal, qui tire son nom du grand t'bel du diwan, existe depuis quinze ans. Dans la région du M'zab, il marque sa présence dans les fêtes familiales et dans les waâdate. «Cela fait presque cinq ans que nous n'avons pas organisé une waâda à Ghardaïa. Depuis, nous nous déplaçons vers d'autres waâdate à Saïda, Oran, Mohammadia et ailleurs. Habituellement, nous avons l'habitude d'organiser la waâda au printemps à Ghardaïa, Daîa Bendhahoua, M'lika, Bounoura et Atteuf», a soutenu Bachir Bouras, leader du groupe. Vêtus en noir, les membres de Gnaoua El Bahia d'Oran ont marqué leurs fidèles aux Sraga. «J'ai porté le rouge, la couleur de Jengari Mama, le rose, celle de Lalla Aïcha, le blanc, celle d'El Rassoul et le beige, celle de Moulay Abdelkader El Djilani. Sur scène, nous avons interprété les bordj, Hamou, Sergou, Sidi H'cen et Mimoum El Gnawi», a indiqué El M'kadem Hassan Abdelwahid. Né à El Hamri en 1994, Gnaoua El Bahia a été créé par Ahmed Farradji, aujourd'hui disparu. Hassan Abdelwahid conçoit les tenues du groupe. «A Oran, nous organisons toujours les waâdate durant la période estivale. Les cérémonies sont généralement organisées au niveau du wali Sidi Moussa El Bahri, dont le mausolée se trouve en dehors d'Oran. Chaque année, des groupes de diwan y sont invités», a souligné Hassan Abdelwahid. Dans la matinée, la chercheuse franco-marocaine, Zineb Majdouli, de la faculté libre des lettres et sciences humaines de Lille (France), a animé une conférence, à la maison de la culture de Béchar, sur les enjeux socio-spaciaux de la mobilité des musiciens gnawa du Maroc. Elle a notamment évoqué «la visibilité» qu'offre annuellement le Festival international d'Essaouira à la musique gnawi.