Devenu le lieu de rendez-vous quotidien de la population de Béchar, le stade Ennasr, qui abrite depuis le 18 mai dernier la 6e édition du Festival national de musique diwane, a connu, mardi dernier, l'une de ses plus belles soirées. Avec à l'affiche quatre troupes, le public, qui s'est manifesté timidement en début de soirée a fini, comme à l'accoutumée, par envahir le stade dans une ambiance festive. Ce soir là, les organisateurs ont décidé d'entamer la soirée à 22h, afin de gagner du temps et permettre à tous les artistes de passer sur scène.Exceptionnellement, cette soirée verra le passage de deux troupes en compétition et deux invités du festival. Les premiers à rejoindre la scène sont les membres de Tourath Gnaoua, une troupe venue d'Oran. Avec seulement des percussions et un gumbri, le groupe a vite fait d'accrocher le public. Les spectateurs apprécieront son savoir-faire et son interprétation. Les jeunes sont captivés par le jeu du maâlem et le rythme des karkabous qui monte crescendo. Les artistes exécuteront également des pas de danse gnaoua dans une parfaite synchronisation. Après cette authentique interprétation, ce sera au tour de la formation Nora gnaoua de Béchar de rejoindre la scène et de tenter de séduire le jury, d'abord, et le public, ensuite. Avec la jeune Nora au chant, la troupe est composée d'un joueur de gumbri, d'un batteur et de trois joueurs de karkabous. Leurs tenues bariolées ne manquent de retenir l'attention et leur mise en scène aussi.Parmi les rares femmes de la région à s'aventurer dans cet art, Nora semble avoir trouvé la bonne combine pour plaire. En effet, c'est en joignant des textes de diwane à un tempo très proche du chaâbi maghrébin que Nora a réussi à se distinguer dans sa région. Avec un son brassé, la formation Nora Gnaoua s'inscrit plutôt dans un style fusion que dans l'authentique art diwane, qu'elle ne représente nullement dans ses dimensions artistiques et religieuses. Malgré la réaction plus que positive que la formation a déclenchée chez le public, la plupart des festivaliers n'ont pas apprécié de voir une formation, dont le son est très proche du chaâbi marocain, inscrite en compétition dans un festival de diwane. Pour la seconde partie de la soirée, c'était au tour du mâalem Djilali Abdelkader et sa troupe Ahl Diwane de Mascara de replonger les festivaliers au cœur de l'authenticité du diwane. Agé de 67 ans, le mâalem Djilali est connu de tous dans sa région grâce à sa maîtrise et à ses origines soudanaises, qu'il revendique d'ailleurs. «Le diwane est un art sacré que l'on ne cesse de profaner aujourd'hui. J'ai été initié à cet art grâce à mes aînés. Malheureusement, les jeunes s'éloignent de plus en plus de cet héritage qui se perd», déclare le maâlem. Accompagné par ses percussionnistes, le mâalem monte sur scène sous les applaudissements. Il interprétera des bradj en haoussa, une langue qu'il a appris à maîtriser en côtoyant les anciens. Le rythme est tout en lenteur. Le son du gumbri est tout simplement envoutant. La formation interprétera les titres Bori, Lala Mimouna et d'autres textes diwane inédits. Pour la fin de la soirée, on revient à la fusion et la world music avec la troupe Grooz, invitée du festival. Avec comme guitariste, interprète et leader du groupe, le jeune Abdelhak Bendjebari qui n'est autre que le fils de maâlem Medjeber de Béchar, le groupe réussit brillamment à mêler diwane et reggae, en ajoutant une touche très jazzy. Doté d'une belle voix rauque, le leader de Grooz, qui est une véritable découverte pour le public, a su faire bouger les gens. Sur scène, un violon, une batterie, un synthétiseur, des percussions, une basse et une guitare. La formation Grooz a interprété, entre autres, le titre Salabati avant de rendre hommage à l'équipe de football JS Saoura et passer à un autre registre, à savoir le reggae, très apprécié par les plus jeunes. Toutefois, même si le groupe a conquis le public, des voix s'élèveront pour réclamer maâlem Medjber, le père d'Abdelhak, dont la renommée est bien établie dans la région. La demande du public sera exaucée. Le maâlem se décide à rejoindre Grooz sur scène et gratifiera ses nombreux fans d'un tour de chant.