Après une dizaine de jours d'âpres négociations, le gouvernement malien de transition et les rebelles touareg, représentés par le Mouvement national pour la libération de l'Azawad (MNLA) et le Haut-Conseil pour l'unité de l'Azawad (HCUA), ont signé, hier à Ouagadougou, capitale du Burkina Faso, un accord intérimaire de cessez-le-feu qui rendra possible la tenue le 28 juillet prochain d'une élection présidentielle devant permettre au Mali de marquer un retour à la légalité constitutionnelle et, par conséquent, de le doter d'institutions légitimes. Cet accord provisoire devra permettre aussi de jeter les bases, au lendemain de cette présidentielle, à un dialogue inclusif intermalien en vue d'instaurer une paix durable au Nord-Mali. Réclamée par l'ensemble de la communauté internationale et particulièrement par la France – dont les troupes ont réussi en janvier dernier à chasser les groupes terroristes armés affiliés à Al Qaîda au Maghreb islamique qui occupait le septentrion malien depuis en 2012 –, l'élection présidentielle malienne aura donc lieu, en vertu de cet accord, sur l'ensemble du territoire malien, y compris à Kidal, région actuellement sous le contrôle des éléments du MNLA. Les rebelles touareg se sont, rappelle-t-on, installés fin janvier à Kidal à la faveur de l'opération militaire française baptisée Serval. L'accord, dont la nouvelle mouture ne diffère pas beaucoup par rapport à celle qui avait été proposée la semaine dernière aux deux parties par Blaise Compaoré, médiateur dans la crise malienne pour le compte de la Communauté économique des Etats de l'Afrique de l'Ouest (Cédéao), et que les autorités maliennes avaient demandé à revoir, a été signé, pour Bamako, par le ministre de l'Administration territoriale, le colonel Moussa Sinko Coulibaly, et par Bilal Ag Acherif et Algabass Ag Intalla, au nom des deux mouvements touareg. Une copie presque conforme à celle de Compaoré Au cours de leurs allocutions données au terme de la cérémonie de signature de l'accord organisée en fin d'après-midi au siège de la présidence du Burkina Faso, les trois acteurs ont tous mis en avant leurs bonnes intentions et leur volonté «sincère» de bâtir un «Mali nouveau». Ils se sont ainsi notamment engagés à «tourner la page de la haine», à «ouvrir celle de l'amour» et à œuvrer à «instaurer la paix, l'équité et la justice entre tous les Maliens». Lancées le 8 juin par le président burkinabé, Blaise Compaoré, les négociations de Ouagadougou doivent aussi permettre un retour, sous le contrôle de la Minusma, de l'armée malienne dans la ville de Kidal, dans justement la perspective du scrutin présidentiel du 28 juillet prochain. Les représentants de l'ONU, de l'Union africaine (UA) et de l'Union européenne (UE), qui se trouvaient sur place, ont, de leur côté, tous qualifié l'accord de «courageux» et d'«historique» dans la mesure où il a permis de faire prévaloir le «dialogue» et de prouver, si besoin est, «que la crise malienne peut être réglée politiquement». Dans ce contexte, ils ont réitéré par ailleurs leur engagement à rester «aux côtés de tous les Maliens pour faciliter la mise en œuvre de l'accord dans toutes ses dimensions». Le plus dur reste à faire Ainsi, si le Hollandais Bert Koenders, le responsable de la mission onusienne au Mali, s'est montré optimiste concernant l'avenir de ce pays, il a cependant averti que le plus dur reste à faire. Et pour lui, le plus dur consistera avant tout à veiller sur le terrain à l'application de l'accord signé avec beaucoup de difficultés par Bamako et les rebelles touareg. Des difficultés qui, du reste, marquent l'existence encore de beaucoup de méfiance entre les deux parties en conflit. Fondé eu égard aux tensions nombreuses qui existent sur le «terrain azawadien», le souci de Bert Koenders a été largement partagé aussi par le représentant de l'Union européenne au Sahel, l'ambassadeur Michel Reveyrand de Menthon, qui a souligné que l'enjeu dorénavant sera de faire en sorte à ce que l'accord soit dûment respecté, que la présidentielle se tienne et qu'enfin un dialogue inclusif intermalien s'ouvre ensuite pour trouver une paix durable au Mali. Un ambassadeur africain en poste à Ouagadougou, connu pour sa maîtrise de la crise malienne et surtout de la nature des tensions qui opposent Bamako et les rebelles touareg depuis de longues années, a lui aussi souhaité que l'accord conclu dans la capitale burkinabè ne soit pas qu'un «accord de plus» car, a-t-il ajouté sous le sceau de l'anonymat, la crise malienne requiert un débat de fond. Un débat qu'il incombera aux nouvelles autorités maliennes – qui seront issues des urnes le 28 juillet prochain – de mener sincèrement et de surtout de faire aboutir. Pour le moment, a-t-il encore expliqué, les discussions n'ont réellement réussi qu'à geler la crise malienne, ou du moins à la reporter de quelques semaines…voire de quelques mois. Tous ceux qui connaissent le Nord-Mali savent en effet que les armes peuvent faire entendre leur langage au moindre échec de la politique. Et cela même quand les plus grandes assurances sont données.