Trois importantes sociétés de transformation alimentaire de statut privé implantées à Annaba, Guelma et El Tarf ont été mises en faillite en 'avril dernier par le tribunal de commerce près la cour de justice d'Annaba. Le jugement rendu public a désigné un agent de séquestre pour l'évaluation des biens et avoirs desdites sociétés employant quelque 2000 travailleurs permanents et plus de 20 000 entre saisonniers, agricultures producteurs d'agrumes et de tomate industrielle et activés annexes. D'autres sociétés devraient suivre à court et moyen termes au regard du nombre de dossiers actuellement entre les mains des magistrats du même tribunal. Il s'agit là des premières décisions judiciaires de mise en faillite qu'un tribunal de commerce ait eu à prononcer depuis l'indépendance. Ces trois décisions ont été prises dans un contexte de perturbations économiques croissantes dues à une mauvaise gestion comptable chronique dans le secteur de la petite et moyenne industries des trois wilayas. Elles interviennent quelques mois après la plainte déposée par l'entreprise publique économique des emballages métalliques (EMB) de Azzaba, dans la wilaya de Skikda. Lasse d'attendre depuis des années le règlement de ses factures dépassant globalement le milliard de dinars auprès de ses clients en majorité des conserveurs, cette entreprise filiale du groupe Sider est passée à l'offensive. Elle a entamé plusieurs procédures à l'encontre de plusieurs d'entre elles dont les trois mises en faillite. Dans le milieu des conserveurs, notamment ceux mis en faillite, le sentiment de ne plus connaître les règles du jeu est général. Il a ajouté un plus à l'état de stress économique et social rarement atteint. Ces deux dernières années, Il s'est traduit sur le terrain par la mévente chronique de tous les produits de conserverie, dont le concentré de tomate de production nationale et par l'abandon de 60% des surfaces traditionnellement destinées à la culture de tomate industrielle. Au plan social, sur les 140 000 travailleurs annuellement en activité dans cette filière, plus de 40% ont rejoint la liste déjà longue des chômeurs. A court terme, ces trois décisions de mise en faillite, la fermeture de plusieurs autres pour des difficultés financières, la conversion de la Carsi, une des plus importantes coopératives agricoles d'Algérie, en une entreprise de location de locaux commerciaux et unités de transformation, les poursuites judiciaires engagées par la wilaya d'Annaba à l'encontre de onze de ses gestionnaires, devraient entraîner d'autres impacts négatifs. Selon plusieurs économistes, les banques qui cumulent à elles seules plus de 10 milliards de crédits octroyés et non remboursés, en seraient les premières victimes. Du côté de l'EMB, l'on a estimé que les chances de recouvrement des créances par l'entreprise (3,9, 15 et 9 millions de dinars) restent très minimes. L'on rappelle qu'en cas de vente des biens des sociétés saisies, les impôts, caisses sociales et banques seront les premiers bénéficiaires du règlement des créances dues. Des sources judiciaires ont indiqué que les trois sanctions de mise en faillite, les premières du genre en Algérie depuis l'indépendance, seront suivies par d'autres à différents niveaux d'activité dans la wilaya d'Annaba. Ce que confirme du reste la volonté publiquement affichée par des magistrats spécialistes en droit économique de la cour de justice d'Annaba. Les dossiers de plusieurs affaires du genre mises au placard ces dernières années devraient être dépoussiérés pour faire l'objet d'une instruction et de procès. C'est dans ce difficile contexte économique qu'intervient l'Association nationale pour la protection de l'environnement et de lutte contre la pollution (Anpep). L'enquête qu'elle a entamée pour déterminer avec exactitude le lieu d'enfouissement de 650 t de concentré de tomate, soit 800 000 boîtes d'emballage oxydable, est une autre procédure judiciaire en perspective à l'encontre du conserveur qui en est l'auteur. « L'enquête est en cours pour déterminer avec exactitude le lieu où cet enfouissement a été opéré. Le constat établi par huissier, un auxiliaire de justice assermenté, ne prête à aucune équivoque. Cette importante quantité de concentré de tomate atteint de péremption et de l'emballage oxydable qu'il sous-entend que l'on affirme avoir fait l'objet d'un enfouissement représente un risque majeur pour la santé des citoyens et de grave pollution des nappes phréatiques », a estimé M. Halimi, président de cette association. Pour de nombreux spécialistes du droit, cette affaire qui implique une unité de transformation de tomate industrielle prépare une autre mise en faillite.