Comme tous les islamistes de par le monde, le gouvernement turc de Tayyep Erdogan est allergique au débat contradictoire et il le fait savoir de la manière la plus violente. Arrivé au pouvoir en 2002, il peut se targuer d'une réussite économique incontestable qui a placé la Turquie parmi les pays les plus dynamiques. Malheureusement, l'AKP exploite ce succès pour tenter de s'imposer éternellement et imposer la pensée unique au peuple turc. De ce fait, il ne tolère aucune contestation et aucun mouvement qui pourraient enfoncer la démocratie balbutiante. Il a suffi que des citoyens s'opposent à la destruction d'un parc à Istanbul, en place duquel a été programmée l'édification d'un projet immobilier, pour que le gouvernement sorte la grosse artillerie et montre son vrai visage. Les manifestations, pourtant pacifiques, ont été réprimées avec une violence inouïe. Dans la foulée, le pouvoir théocratique en a profité pour procéder à des arrestations dans les milieux de gauche, qui sont à l'avant-garde de la révolte. Des arrestations ont eu lieu aussi bien chez les militants socialistes qu'au sein du parti communiste marxiste léniniste (MLKP). Qualifiés de terroristes, ils vont être poursuivis pour «appartenance à une organisation terroriste» et «destruction de biens publics» et risquent de ce fait plusieurs années de prison, en vertu des lois instituées dans les années 1960 et 1970, par les colonels putschistes. D'ailleurs, en vertu de cette ancienne législation passéiste, 78 journalistes croupissent dans les prisons, plaçant la Turquie en tête des pays qui, dans le monde, embastillent les gens des milieux de la presse. La contestation, née à la place Taksim, et qui s'est étendue à tout le territoire, a prouvé que la Turquie actuelle ressemble en tous points de vue à celle de l'époque fasciste. Et de ce point de vue, l'AKP, qui se veut un modèle pour tout le monde musulman et qui a même réussi à séduire certains leaders du Monde arabe, est fidèle à lui-même comme le FIS quand il avait le vent en poupe, la démocratie est «kofr», c'est-à-dire un concept que veulent imposer les «juifs et les croisés». Un discours qui, malheureusement, est toujours mobilisateur et fait des dégâts au sein des masses musulmanes. En usant de la force contre ses citoyens, Erdogan donne la preuve qu'il a des velléités dictatoriales et qu'il n'est pas près de lâcher le pouvoir, tant qu'une véritable République islamique n'a pas été instaurée à la place de la République laïque de Kemal Atatürk.