Un pays sans légendes est condamné à mourir de froid, pour paraphraser le poète. La démolition du dôme des sept dormants, appelé communément Sebaâ Rgoud de «Kalaât Hafsia» sur les hauteurs du lieu éponyme situé derrière l'hôtel Seybouse a généré colère et consternation des citoyens contre les autorités locales. Plus qu'un symbole, ce magnifique lieu est construit sur une superficie de 13 000 m². Une partie à part entière des vestiges de la ville, il abritait jadis, selon la légende, les tombeaux des sept hommes pieux, Sidi Ali Bouleknouz, Sidi Ali Ben Abd, Sidi Ali Chouchane, Sidi Ali Ben Mrad, Sidi Ali Bouakkez, Sidi Ali Trad et Sidi Ali El Gharbi. L'ordre de cet acte abject, selon les premières informations, aurait été donné le 15 juin par le Bureau d'Etude SETO en charge du suivi du projet de l'hôtel Sheraton Annaba dont le propriétaire n'est autre que le député FND Tliba Bahaeddine et son associé un fils de ministre. La raison : récupérer l'assiette de terrain pour y construire une base de vie pour les travailleurs chinois de l'entreprise réalisatrice du projet. Et pour accomplir en toute discrétion ce crime contre la culture et l'histoire d'une ville, vieille de plusieurs millénaires, les exécuteurs ont choisi la nuit en ébranlant les engins de la destruction. Afin d'étouffer toute velléité contestataire, le wali de Annaba Mohamed El Ghazi a ordonné une enquête pour situer les responsabilités. Une méthode qui n'a plus de vertu sachant qu'aucune enquête ordonné par ce chef d'exécutif n'a été allée jusqu'au bout, encore moins ses conclusions rendues publiques. «Les conclusions de cette enquête ne seront jamais impartiales. Sachant pertinemment le lien étroit entre le wali et ce député dont l'ami commun est le ministre de l'intérieur Dahou Oueld Kablia. Le doute est permis, sinon le mal est fait et irréversible», affirment à l'unanimité les défenseurs du patrimoine annabi qui comptent s'organiser pour poursuivre les auteurs de ce massacre contre la mémoire des Annabis jusqu'au bout. Ce massacre n'est pas une première dans cette ville au sort maudit de ses responsables. En effet, les habitants de Annaba avaient été choqués en février 2012 par la démolition d'un vestige datant de 1870. Avec l'aval de l'administration locale, chapeautée par le même wali d'Annaba, un opérateur économique avait ébranlé son brise-roche, mutilant scandaleusement une partie d'un incontournable monument historique, en l'occurrence la «Batterie de Caroubier», faisant ainsi disparaître l'un de ses deux canons posés depuis deux siècles sur ce témoin de l'histoire locale et nationale. La complicité des uns, la cupidité des autres et surtout l'impunité de ceux qui sont chargés de protéger l'histoire de la wilaya avaient permis à cet opérateur d'entamer la construction d'un hôtel, vulgaire masse de béton, au lieu d'un patrimoine classé selon le Journal officiel n° 55 du 20 novembre 1978. Les réactions des habitants n'avaient pas tardé. Après être intervenus de façon énergique pour arrêter le massacre, ils avaient lancé un appel à la mobilisation qui avait fait un tabac sur la Toile, via Facebook. D'autres étaient sortis dans la rue pour exprimer leur colère contre le wali de Annaba et l'opérateur auteur de cette atteinte que l'histoire ne saura pardonner. D'autant plus que la démolition partielle de ce monument, qui figure sur tous les guides touristiques du monde, notamment sur le livre référence «L'index de la fortification française 1874-1914» avait été entamée sans permis. Le vestige résiste actuellement à l'aberration humaine mais avec une partie ôtée par des incultes dont la wilaya de Annaba en souffre énormément. «Il y a des barons à Annaba qui demeurent toujours intouchables. Bien introduits dans les rouages de l'administration, ils font et défont, selon leurs intérêts, au su et au vu des services de sécurité qui, par leur silence, confirment leur complicité», tonnent des Annabis attisés par une colère contre la complicité des autorités locales. Ainsi, l'indisponibilité du foncier à Annaba a toujours donné lieu à de graves abus. Et la voracité d'une oligarchie dont des généraux en poste qui ont main basse sur son patrimoine n'a plus de limite et s'oriente désormais, toujours avec la complicité de l'administration locale, vers les assiettes abritant des sites historiques. L'enquête du DRS qui est en cours inclura vraisemblablement dans son rapport final ces dépassements qui n'ont que trop duré. A suivre…