L'ONU ainsi que de nombreux pays se félicitaient hier de l'accord de paix signé vendredi dans la capitale nigériane, par le gouvernement soudanais et la faction majoritaire du principal mouvement rebelle du Darfour. Ce qui veut dire que l'accord en question n'est pas total et cela explique la relative prudence qui l'entoure. L'expérience a démontré que même les accords les plus solides sont parfois remis en question. Mais c'est toujours un accord que la communauté internationale qui a pris sur elle d'amener les parties en conflit à la table des négociations, doit surveiller de très près. La raison tient aussi du contexte local et régional qui échappe à tout contrôle. L'accord de paix dans cette province soudanaise proposé par la médiation de l'Union africaine (UA) et la communauté internationale a été signé par la faction majoritaire du Mouvement armée de libération du Soudan (SLM) dirigée par Minni Minnawi et par le gouvernement soudanais, représenté par son négociateur en chef Magzoub Al Khalifa, lors d'une cérémonie à Aso Rock, le palais présidentiel nigérian. En revanche, l'autre rébellion, le Mouvement pour la justice et l'égalité (JEM), est restée campée sur ses positions de refus de cet accord de paix, de même que la faction minoritaire du SLM dirigée par Abdel Wahid Mohammed Al Nour. Cependant, le chef des négociateurs de la cette faction Al Nour Abdurahman Moussa et quinze autres délégués ont désavoué vendredi leur chef et indiqué qu'ils entendaient s'« associer » à ce texte et « aux derniers arrangements pour la paix au Darfour », écrivent-ils. Dans une lettre adressée à la médiation de l'UA et lue par le président nigérian Olusegun Obasanjo, les 16 délégués estiment que le comportement de leur chef Al Nour « n'est pas favorable au rétablissement de la paix ». Les raisons de son refus n'ont pas été divulguées, mais elles pourraient tout simplement tenir de considérations autres que politiques, puisque l'on parle encore une fois au Soudan de partage du pouvoir et cela, pour beaucoup, induit ses privilèges. Les responsables de l'UA et les partenaires internationaux de la médiation ont eu toute la journée des consultations avec les délégués de Khartoum et des deux factions du SLM pour aboutir à cette ratification, qui intervient après deux ultimatums de la médiation. L'accord de paix vise à mettre fin au conflit et à la crise humanitaire qui ravagent le Darfour depuis trois ans faisant de 180 000 à 300 000 morts et 2,4 millions de déplacés et réfugiés, selon des estimations internationales. Il prévoit un référendum pour que les quelque six millions d'habitants de cette région semi-désertique de 500 000 km2 située à l'ouest du Soudan, se prononcent sur le découpage administratif de la province. Le secrétaire d'Etat adjoint américain, Robert Zoellick, qui a pris une part active à l'obtention de ce consensus, avait précisé peu avant la cérémonie de signature, que le texte fait également « obligation à Khartoum de désarmer et de neutraliser les Djandjawid ». Les milices arabes pro-gouvernementales Djandjawid sont accusées des pires atrocités depuis le début de la guerre au Darfour, il y a trois ans : viols, massacres de civils, pillages, qui ont poussé Washington à accuser Khartoum de « génocide ». Cet accord crée aussi une opportunité pour les mouvements rebelles « de commencer le processus d'intégration » de leurs combattants dans les forces de sécurité soudanaises, a poursuivi M. Zoellick. « Personne ne doit être dupe, ce document ne vaudra même pas le papier sur lequel il est écrit si le bon esprit et la bonne attitude sont absents », a pour sa part averti Olusegun Obasanjo. La faction du SLM de M. Al Nour ne s'est pas encore exprimée sur son choix, alors que des bruits de couloirs faisaient état de son ralliement à la position de la faction majoritaire dans l'après-midi de vendredi. Le JEM, qui s'est refusé à retourner à la table des négociations vendredi, estimait avant la signature de l'accord que le projet ne répondait notamment pas à sa demande « non négociable » de faire du Darfour une seule région autonome au lieu des trois entités actuelles, selon son négociateur en chef, Ahmed Tugod. Ce conflit avait éclaté en 2003, exactement vingt années après celui du sud Soudan, avec des raisons quasi-similaires puisque liées à la bêtise humaine, avec des politiques désastreuses pour se maintenir au pouvoir. Le Soudan en paie le prix, puiqu'il est le pays le plus instable de la planète et aussi l'un des plus pauvres. A son corps défendant, il est en train de devenir une fédération, avec ce risque bien réel de perdre une partie de son territoire.