Harragas Blues et Argo ont été projétés à Annaba à la faveur de la cinquième édition de «Cinéma sous les étoiles». Annaba. De notre envoyé spécial Moussa Haddad était samedi soir à Annaba pour présenter son dernier film, Harraga Blues, sorti mi-juin 2013. Amina Bedjaoui Haddad, qui a écrit le scénario et produit le long métrage, était également là, ainsi que le jeune comédien, Karim Hamzaoui. L'Institut français d'Algérie (IFA), qui organise «Cinéma sous les étoiles» jusqu'au 4 juillet 2013, a invité l'équipe de Harraga Blues pour débattre d'un film qui tend à contrer l'idée du départ, de l'aventure en mer. Les côtes de Annaba sont souvent prises d'assaut par les jeunes prêts à «brûler» vers l'Italie voisine. Le public présent au débat, dans la cour de l'ex-lycée Pierre et Marie Curie, a vite fait le parallèle avec les parents qui n'ont pas de nouvelles de leurs enfants partis en mer depuis longtemps. SANS PRETENTION En 2007, ces parents se sont regroupés autour de Kamel Belabed dans une association qui tente de porter leurs voix au-delà des vagues et de l'indifférence. Mais qu'ont fait donc les autorités algériennes pour rechercher les jeunes disparus en Méditerranée et rassurer les parents ? Rien ou peu de chose ! Harraga Blues, qui n'est pas le meilleur film de Moussa Haddad, n'est pas une fiction sur l'émigration clandestine. C'est du moins ce que disent Amina et Moussa Haddad. «J'ai toujours voulu faire des films qui plaisent aux gens, qui rassurent, qui donnent un sentiment de travail bien fait. La harraga est là, c'est vrai. Mais, j'ai voulu que le spectateur ait un sentiment de bien-être. Je n'ai pas voulu faire une analyse sur les raisons qui poussent les jeunes à quitter l'Algérie. Aux hommes politiques de le faire. L'essentiel est que les gens trouvent du plaisir à regarder le film. C'est la seule chose qui m'intéresse», a déclaré le cinéaste. Des idées qui ont plu à certains présents. Selon eux, Harraga Blues donne «une image positive» de l'Algérie, «L'Algérie qu'on aime regarder», a dit un intervenant. Est-ce vraiment le rôle du cinéma ? C'est un autre débat, certainement plus compliqué. Ahmed Zir, adepte du cinéma amateur, est venu, lui aussi, à Annaba pour présenter des films extraits d'un DVD, Le cinéma algérien en liberté, produit par Cinémémoire Marseille. Des films tournés en 16 mm ou en super 8. Solo évoque la solitude d'un chômeur, Repères rappelle l'histoire de l'Algérie depuis la nuit des temps, Seuls les oiseaux se veut un plaidoyer pour la liberté et Cessez-le-feu (présenté à la faveur de l'Année de l'Algérie en France en 2003) revient subtilement sur la période de mars à juillet 1962, dans la région de Sétif marquée par des règlements de comptes entre Algériens. Le quatrième film est construit à partir d'images en 8 mm de colons français durant l'occupation du pays. Des images fournies par Claude Bossion qui, lui aussi, a fait le déplacement à Annaba pour présenter le travail de numérisation de Cinémémoire. Ahmed Zir a bénéficié d'une résidence à Cinémémoire en avril 2010. «Ces films ne sont pas commerciaux. Il s'agit de films de réflexion. Certains datent de plus de trente ans. J'ai réalisé Repères en une année dans la région d'El Eulma. A chaque fois, je sors, je fais ces images. Cinémémoire a quelque peu sauvé ces films, car la plupart se sont détériorés. J'ai réalisé Seuls les oiseaux avant 1988 où je faisais le lien entre les oiseaux et les enfants pour évoquer la liberté. J'ai choisi de ne pas parler dans ces films en laissant le soin à la musique et aux images de le faire», a expliqué Ahmed Zir, lors dans un débat à la salle de projection de l'IFA Annaba. GRÂCE AUX JOURNALISTES «J'ai commencé avec un film qui s'appelle La main. Grâce à des journalistes et à des amis, je continue», a-t-il ajouté. Il a rappelé que, par le passé, il y avait un festival sur le cinéma indépendant à Annaba. «Il y avait beaucoup de cinéastes ici à Annaba», s'est-il souvenu. Depuis 1979, Ahmed Zir a réalisé une cinquantaine de films amateurs. Certains de ses œuvres ont été exposées au Musée d'art moderne de New York. Claude Bossion a présenté des films élaborés à partir d'images faites durant la période coloniale en Algérie. Dans Envoyé d'office, une enseignante filme des scènes de vie ordinaire à Annaba entre 1958 et 1959. «Il n'y a pas de traces de guerre dans ces images. J'ai posé la question à la dame qui les a réalisés, elle m'a dit que la guerre, c'était surtout la nuit. Entre 1938 et 1958, on filmait à peu près les mêmes choses. On revient dans les marchés, par exemple», a expliqué Claude Bossion. Selon lui, Cinémémoire continue de collecter les images tournées par des amateurs, notamment en Algérie, pour les numériser. «Avec l'aide d'Ahmed Zir, nous avons commencé à collecter des films faits par des Algériens avant ou après l'indépendance en 1962. Des films amateurs ou familiaux. Le cinéma amateur algérien a eu son heure de gloire durant les années 1970 avec les festivals organisés par Boudjemaâ Karèche. Il y avait une production assez variée», a-t-il noté. Il a expliqué la philosophie du projet «Mémoires partagées» qui porte sur les images tournées dans des pays colonisés par la France. «Ces images forment une mémoire visuelle d'une période qui constitue un patrimoine culturel. Il s'agit de favoriser l'échange. L'idée est de restituer la parole et produire une matière de réflexion sur la réception des images par le public», a soutenu Claude Bossion. Dimanche soir, Argo de Ben Afleck a été projeté. Ce film, qui a déjà décroché une quinzaine de prix, dont des Oscars, raconte l'histoire d'une opération clandestine menée par la CIA en Iran pour faire libérer six diplomates américains réfugiés à l'ambassade du Canada à Téhéran, lors de la crise des otages de 1980. Argo, selon El Hachemi Zertal, de Cirta films, n'a pas encore reçu le visa d'exploitation pour être projeté en Algérie.