Hier, la ville de Maghnia s'est réveillée brutalement. Vers 9 h, près de 500 personnes ont obstrué l'entrée de la ville, avec des parpaings, des blocs de pierres et des pneus incendiés. Une tentative de négociation entre les émeutiers et le chef de la sûreté de daïra a échoué. A partir de cet instant, les choses se sont compliquées : la cohue, plus déchaînée, s'est dirigée vers le centre-ville en mettant sens dessus-dessous tout ce qu'elle rencontrait sur son passage. La foule grossissait telle une rivière en crue. Les services de police, calmes, tentaient d'empêcher les manifestants de s'emparer du centre-ville. Peine perdue. Le premier édifice public à être attaqué est le tribunal. Le policier en faction l'a échappé belle. La fumée des pneumatiques obscurcissait le ciel. Les émeutiers dont la colère grandissait au fil des mètres arpentés se sont mis à tout saccager sur leur passage : les lampadaires et les porte-drapeaux sont détruits. Le centre-ville est paralysé. Les éléments de la brigade antiémeute, pour disperser la foule en furie, lancent des bombes lacrymogènes. Le gaz indispose les manifestants, les passants en fuite et certains habitants. Subitement, la ville est plongée dans la désolation : commerces fermés, routes bloquées... Les émeutiers bombardent de pierres les sièges de la BNA, du CPA, de Sonelgaz, les services des impôts et ceux de la douane. Les policiers sont pris à partie. Des échanges d'insultes et de coups. Des affrontements qui ont failli aller vers le pire n'était la « prudence » des services de sécurité. Les voitures de la police sillonnent bruyamment les artères de la ville. Tel un ballon manipulable à souhait, les groupes des mécontents se déplacent d'un endroit à l'autre, cassant tout sur leur passage et dénonçant la hogra. « Nous ne sommes pas tous des contrebandiers », disaient-ils. Bizarrement, les services de sécurité se sont mis à saisir tous les camions et à déférer leurs propriétaires devant la justice. « Hier, un jeune a été mis en prison parce qu'il avait été trouvé à bord d'un camion », ont indiqué des manifestants. « Imaginez que pour avoir sa carte grise, il faut attendre jusqu'à huit mois. Puis, ce qui est irrationnel ici à Maghnia, c'est que tu n'as pas le droit de revendre ton camion. Où sommes-nous ? », se sont indignés les manifestants. Et d'ajouter : « Ce qui est davantage inexplicable, c'est qu'ils ont dressé une sorte de frontière à 35 km de la ville. » Vers 15 h 30, la ville semble avoir recouvré son calme, mais tout demeurait fermé. Cependant, des bruits provenaient encore d'un quartier sensible. Les véhicules blindés de la police, leurs sirènes actionnées, se positionnent dans les coins stratégiques, tandis que d'autres prennent des directions diverses. Vers 16 h, une cellule de crise a été constituée au siège de la daïra, mais rien ne filtrera de cette réunion. Tout le monde est en réunion. Nous saurons quand même que près d'une quinzaine de personnes ont été arrêtées, la majorité des mineurs. Trois citoyens, au moins, ont été blessés. Une source de la wilaya nous a indiqué que « cette réaction est l'œuvre de contrebandiers et de manipulateurs, une réaction survenue suite aux dernières mesures de lutte contre la contrebande imposées par les services de la wilaya ». Pour rappel, le mois dernier, les localités d'El Abed et Beni Snous ont vécu des événements similaires.