Le groupe Gaâda Diwan Béchar a gratifié le public algérois, jeudi dernier, à la salle El Mougar d'une prestation mémorable. Dans cet entretien réalisé à la fin du concert, le leader du groupe Abdelati Laoufi s'est prêté volontiers à ce jeu de questions-réponses. L'artiste prône les sonorités arabes, africaines... teintées de blues. Gaâda Diwan Béchar ne s'est plus produit depuis déjà quelque temps en Algérie, mis à part une invitation privée lancée, en décembre dernier, par l'Union européenne. Quelles sont vos impressions face à ses retrouvailles avec le public ? Mes impressions, c'est que la chose s'est améliorée. Il y a quelque chose qui s'est formée avec ce jeune public. J'ai l'impression qu'ils sont encore plus mélangés. Vous disiez tout à l'heure sur scène que le public algérien est particulier... Il est vrai qu'en Algérie, c'est exceptionnel. Nous avons chanté dans beaucoup de villes en France et à l'étranger mais à Alger, c'est spécial. L'accueil et l'ambiance n'ont pas d'égal ailleurs. Au départ, les éléments du groupe se sont rencontrés par hasard et ont composé des musiques autour des chants afro-maghrébins, de Béchar, du Touat, du Gourara en passant par les villes maghrébines où se trouve le diwan, cérémonial métissé entre les croyances des deux Afriques mêlant des sonorités arabes, africaines et berbères, teintées de blues. Pensiez-vous un jour révolutionner le monde musical ? Il est clair que nous n'en n'avions pas conscience à l'époque. A vrai dire, cela n'avait pas d'importance pour nous. Nous avons toujours avancé pas à pas. L'essentiel pour nous est de dire qu'on va passer un bon moment avec les gens. Et cela vous oblige à être sincère et sérieux. Notre sérieux à nous est dans notre projet, celui de s'émouvoir et de rendre hommage à la tradition. Nous avançons tranquillement sur cette voie-là. Quels sont vos rapports avec le gnawi ? Le gnawi, c'est une partie de notre répertoire. C'est une partie de nous-mêmes mais il n' y pas que le gnawi, puisque notre Maghreb adoré est chargé de mélodies et de spiritualité. Vous avez vu tout à l'heure sur scène, nous avons chanté Bouziane. C'est une chanson aïssaouiya. Ainsi, nous sommes à cheval sur toutes les tendances. Le chaâbi avec la chanson Touba, on l'a bien assis, tout à l'heure, à la fin par un petit diwan qui vient du Sud. Tout cela pour vous dire que notre travail est axé sur cette culture aux multiples dialectes. Touba, c'est une écriture, Youcef Boukela en a fait la composition et la qaâa. C'est un texte complètement inspiré de la tradition C'est une façon de perpétuer le répertoire ancestral... Absolument, c'est ce qu'on disait avec les gens qui sont là. Comment est reçu votre message ailleurs, sachant que la plupart de vos chansons sont à fortes connotations religieuses ? Premièrement, vous avez vu qu'effectivement la plupart de nos chansons ne sont pas religieuses au sens strict du terme. Elles sont plutôt spirituelles. Ce sont des louanges. C'est une différence quand même. On ne l'applique pas à la lettre même si de temps en temps on dit par exemple « Soubehan Allah Sif ouala Chetteoua. Très rapidement on va dans le social et c'est cette bascule qui fait que finalement dans notre culture, il y a du religieux, de la spiritualité, du social et du profane. Tout cela se mélange. La chanson Rabi Hsibek est une chanson d'amour. Je crois qu'on est un petit peu tenu d'aller dans tous les compartiments de notre culture. Le message est surtout un message de paix et d'intensité de notre culture. On est persuadé que cela nous permet de tenir la route et d'avoir la tête haute. Le beau voyage très bien, mais il ne faut pas le restreindre à un seul domaine. Qu'est-ce qui vous plaît dans le gnawi ? Le gnawi, c'est l'africanité mélangée à la berbérité et à l'arabité. Je trouve cela formidable. C'est très important pour les jeunes. Il faut qu'ils en profitent. Le gnawi symbolise l'ouverture. Dans quel style vous sentez-vous le plus à l'aise ? Nous sommes heureux et ravis d'interpréter les chansons de notre répertoire. Vous avez vu comment le public est ravi aussi et nous aussi cela nous ravit et ainsi de suite. C'est quelque chose qui monte et qui monte, et les gens qui font de la spiritualité et surtout de la méditation parlent de l'invitation. A 57 ans, je trouve l'énergie pour rebondir. Il s'agit de trouver l'énergie dans le public et surtout dans la mémoire. Quelle est votre appréciation du groupe Djamou Africa avec qui vous avez fusionné sur scène ? A chaque fois que l'on vient, on sent qu'il y a des gens qui se mélangent. Il y a des gens qui aspirent à continuer à explorer et donc maintenant je pense que cela se passe comme cela. Quand on vient sur Alger, il y a des gens qui veulent se rapprocher de nous. C'est normal et légitime à la fois. On constate que cela prend de l'ampleur. Quand on fête quelque chose et qu'on s'arrête ce n'est pas bien. Par contre, de voir comment des jeunes vont le prolonger à leur façon, c'est cela qui est merveilleux. C'est de la liberté d'expression en fait. Avec une intensité telle que je veux dire que cela va s'ouvrir, je pense, sur la fusion, la communication et pourquoi pas la démocratie. Après votre dernier album intitulé Ziara sorti en 2003, êtes-vous en train de cogiter un nouveau produit ? Notre projet, c'est de continuer avant tout notre travail. Vous avez vu, lors de notre soirée, nous avons abordé les choses à priorité. Il y a eu des choses nouvelles. Il y a des choses nouvelles qui sont en chantier. Prochainement, nous allons rendre hommage à El Hadj El Anka dans un morceau, et vous allez voir que c'est dandinant et dinawaresque.