Qui n'a jamais vu les interludes de l'ENTV, «Djamel biladi» ? Ces jolies cartes postales en animation des plus célèbres sites naturels de notre pays. Leur auteur est El Hadj Abdallah Tikouk. Un vieux routard de la Télévision nationale. 45 ans de service à crapahuter dans le djebel loin du giron familial avec, en fin de course, un palmarès à couper le souffle. Plus de 300 reportages, enquêtes et documentaires scientifiques et une moisson de prix et de distinctions. M. Tikouk est mort hier à Alger, à 10h dans son domicile à El Madania (ex-Clos Salembier) où il est né un jour de février 1948 parmi les jardins et les fleurs. La protection de la nature à laquelle il s'est consacré religieusement date de sa rencontre à la fin des années 1980 avec le défunt Mustapha Muller, le gourou des naturalistes algériens. «Avec Si Mustapha, j'ai amorcé le virage de ma carrière qui va donner un sens à ma vie et mon rôle a été de vulgariser les connaissances amassées par nos chercheurs», nous a-t-il avoué un soir d'été à l'affût dans les maquis d'El Kala. Ses collègues lui reconnaissent un talent fou dans la photographie cinématographique, sa toquade de jeunesse. «Avec une simple Betacam (caméra), il fait d'une branchette de caroubier un hymne à la nature», dira de lui un de ses collègues. «C'est un perfectionniste qui ne sent ni le froid givrant des nuits sahariennes ni celui des hivers sétifiens s'il est à l'affût pour surprendre le frétillement de la vie», disent encore de lui ses collaborateurs plein d'admiration. Abdallah Tikouk est entré à la RTA en 1969 avec la première promotion de cinéastes post-indépendance. Il fait les actualités et les reportages qui l'amènent à côtoyer les grands de l'époque. En 1975, arrive ce qu'il appelle son premier virage. Il fait la rencontre d'une figure de l'histoire, de la littérature et de la poésie algériennes, Tahar Benaïcha. Pendant 10 ans, ils vont produire une centaine de numéros sur la civilisation musulmane. Après avoir survécu à la mort dans un crash d'hélicoptère en 1999 et à deux tentatives d'assassinat en 1995 et 1996, Tikouk revient au début des années 2000 aux grands reportages qui mettent en relief les rapports entre l'environnement et la société. Mais à la fin de sa fabuleuse carrière, il est poussé sans ménagement vers la porte de l'ENTV. Son plus grand regret est de n'avoir pas vu ses enfants grandir. «Ma carrière je la dois aussi à mon épouse, nous a-t-il livré avec émotion, elle a su rester debout dans les moments les plus difficiles. Elle s'est occupée seule de l'éducation des enfants.»