Alors, ça donne quoi toute cette pléthore d'émissions ramadhanesques que se partagent à parts inégales et presque dans la même tranche horaire (entre 19h30 et 21h30) aussi bien les chaînes publiques que privées ? A première vue, une diversité (une richesse ?) de programmes qui n'existaient pas avant et qui, normalement, devraient réjouir le téléspectateur, longtemps soumis au monopole de l'Unique. Mais si on se rapproche un peu plus pour voir l'effet que ça provoque, il semble que ce n'est pas tout à fait le cas, puisque ce même téléspectateur, devant une déferlante de productions qui arrivent en même temps et qui nous proposent à des degrés divers des divertissements taillés dans un style identique, ne sait plus où donner de la tête. Trop de bien nuit-il vraiment ? On n'ira pas jusqu'à cette conclusion extrême, mais toujours est-il que dans la programmation générale, compétition oblige, il y a comme un télescopage qui perturbe sérieusement la feuille de route du public au point de lui gâcher le plaisir d'une bonne soirée par une déperdition créée paradoxalement par le choix douloureux qu'il faut faire quand deux émissions intéressantes passent simultanément mais sur des écrans différents. Il est vrai que c'est la règle désormais qui conditionne la liberté d'entreprise de chaque chaîne, surtout en ce mois sacré, mois de prédilection par excellence ciblé pour essayer de réaliser le plus gros score d'audience par rapport à ses concurrents, mais pour le téléspectateur qui attend autour de sa table de se relaxer après une dure journée de jeûne, la multiplication des affiches n'arrange pas tellement les choses. Elle a plutôt tendance à les compliquer. De l'avis de téléspectateurs assidus, qui aiment bien passer leurs soirées devant la télévision au lieu de se ruer dans les entrailles de la ville pour affronter les foules et les encombrements monstrueux des véhicules, tout cela pour partir à la recherche d'un hypothétique spectacle de théâtre ou de variété musicale qui ne sont pas toujours à la hauteur des sacrifices consentis, le manque de coordination dans la diffusion des programmes constitue un vrai casse-tête. «Avant on était assurés de tout voir, du moins de ne rien rater des émissions qui avaient de l'intérêt, et surtout de pouvoir sélectionner, sans crainte de se laisser distancer, le spectacle qui correspondait à notre goût. Aujourd'hui, il y a certes une panoplie dix fois plus large à laquelle on n'est pas encore habitués et c'est ce qui crée un certain désordre dans les choix qu'on doit faire et qui souvent ne s'avèrent pas être les plus judicieux», martèle la vox populi qui, sans regretter vraiment le temps de la télé unique, pense tout de même qu'il y a un effort à faire dans l'agencement des grilles pour éviter les chevauchements des meilleures réalisations dont certaines, hélas, n'auront pas le retour d'écoute attendu en raison précisément de la mauvaise case dont elles ont bénéficié. Si on doit donc résumer le rapport qu'a entretenu durant cette première semaine de ramadhan le téléspectateur algérien avec ses écrans nouveaux et anciens, on dira qu'il a été enthousiaste, curieux, très attentif, mais entaché d'un sentiment de frustration pour avoir été ballotté d'une chaîne à une autre dans l'espoir de ne pas être à la traîne des programmes. La télécommande a ainsi bien fonctionné pour zapper, re-zapper et encore zapper, mais finalement pour quels résultats ? on se le demande… Là intervient avec toute sa pertinence l'interrogation centrale de savoir si, au-delà de sa diversité et de sa multiplicité, le programme concocté avec le plus grand soin a été au rendez-vous des espérances et si la dizaine de chaînes privées ajoutées au cinq chaînes publiques qui se sont mises toutes, sans exception, au goût du jour, ont montré en ce début du mois sacré des signes encourageants qui prouvent que leurs paris seront tenus. On a posé la question toute simple aux communs des téléspectateurs qui attendaient avec impatience le mois de ramadhan pour renouer avec leurs télés, publiques ou privées, peu importe : Que pensez-vous de la qualité du programme de cette année ? Les réponses, il faut bien l'avouer, ne plaident pas pour une satisfaction générale du public qui trouve, dans une large majorité, que le niveau des productions reste médiocre et par moments insipide. Sans généraliser, sans aussi entrer dans les détails, les spécialistes du produit spécifique de la télévision estiment que l'Algérie avec tous ses moyens humains, financiers, et matériels, n'arrive pas encore à atteindre les standards internationaux concernant par exemple les sitcoms ou les émissions de divertissement. Il y a une explication à cela : les réalisateurs qui ont la compétence pour relever le niveau du produit télévisuel font cruellement défaut. On n'insistera jamais assez sur ce manque qui conditionne le travail de fond qui doit être accompli pour atteindre la qualité requise. Une qualité qui se banalise dans les grandes chaînes internationales et que les algériens veulent voir chez eux. Un seul nom nous revient à chaque fois qu'on aborde ce chapitre de la qualité : celui de Djaffar Gacem qui, avec Nass Mlah City, Djemai Family ou encore le feuilleton Maoued Maâ el Kader a signé des œuvres à succès qui n'ont rien à envier aux émissions internationales de même type. Le top du programme du ramadhan c'est encore Gacem qui le prendra avec Dar El Bahdja qui débute ce soir sur la télé publique et dans lequel on reverra notre Biyouna nationale dans toute sa truculence. Vous vous imaginez, l'Algérie a, pour le moment, un seul grand nom de réalisateur à faire valoir, un enfant de la Télévision algérienne qui a fait du chemin à force de travailler et qui a du génie. Pour prétendre donc globaliser la perfection de nos productions télévisuelles, il faut impérativement ouvrir le champ de la compétence aux jeunes réalisateurs qui frappent à la porte et qui ont les capacités d'aller très loin. Idem pour les comédiens qui sont pris sur le tas et auxquels on demande des performances qui dépassent leurs aptitudes actuelles. Le maître mot reste la formation artistique sans laquelle rien de probant ne peut sortir. Sinon du bricolage comme il nous est servi chaque année. Or, avec les nouvelles technologies et toutes les perspectives qui s'ouvrent pour le perfectionnement des artistes, les Algériens ont droit de dire aujourd'hui : «Arrêtons le bricolage !»