L'annonce des résultats catastrophiques enregistrés cette année dans les différents examens de l'enseignement – et particulièrement au baccalauréat où le taux de réussite est tombé à son plus bas niveau depuis l'indépendance avec un poussif 44% – s'est déroulée dans l'indifférence générale des pouvoirs publics qui semblent se complaire et se satisfaire de la dégradation continue de la note du triple A du bac algérien. Le scandale de la tricherie, qui a émaillé la session de cette année, a éclipsé le débat de fond qui aurait dû être engagé dans la foulée de la proclamation des résultats au niveau de la famille de l'éducation : encadrement, pédagogues, associations de parents d'élèves. Ceci pour analyser objectivement ces piètres résultats qui contrastent avec les dotations budgétaires consacrées annuellement par l'Etat à ce secteur et à l'ambition légitime d'un pays jeune, comme l'Algérie, qui a besoin, pour son développement, d'une élite capable de relever le défi de la compétitivité. Toute l'agitation qui a accompagné l'ouverture de l'enquête sur la fraude à l'examen du bac de cette année pour se solder finalement par la promesse faite aux candidats sanctionnés de tenter leur chance l'année prochaine n'aura été qu'un écran de fumée, une réponse politique à une question lancinante qui a toujours été escamotée et idéologisée : celle de la réforme du système éducatif renvoyée aux calendes grecques. A un défi national, les pouvoirs publics ont toujours privilégié la méthode Coué, la diversion en faisant croire que la médiocrité est une excroissance locale limitée à certaines wilayas-cancres et à certains établissements scolaires pointés du doigt et dont les responsables ont subi des sanctions de leur tutelle au niveau de l'attribution de la prime de rendement. Pas plus que la solution administrative d'affecter des enseignants réputés compétents pour relever le niveau dans les wilayas mal classées aux examens n'a réussi à infléchir la courbe de l'échec dans ces régions. Cette façon de trouver des boucs émissaires ne vise rien moins qu'à dédouaner, en amont, la responsabilité sectorielle et politique de l'Etat dans la déliquescence du système de l'enseignement. Le plus inquiétant, c'est cette tendance à la banalisation du phénomène devant lequel les pouvoirs publics ne montrent aucun signe d'inquiétude. Le seuil de l'intolérable est déjà atteint pour ne pas provoquer un électrochoc dans les consciences de nos décideurs. Les résultats peu réjouissants enregistrés cette année doivent être ressentis par chacun de nous comme une honte et une tragédie nationale qui pose la nécessité urgente d'un sursaut national pour corriger le tir. Des états généraux du secteur doivent être immédiatement convoqués pour tenter de sauver ce qui peut l'être encore, en impliquant toutes les parties concernées. Quand on voit les scores qui frisent les 90% de réussite au bac obtenus dans d'autres pays, comme c'est le cas en France, on mesure le fossé insondable qui nous sépare des autres.