L'Egypte est visiblement bien partie pour vivre encore de longues semaines au rythme des manifestations de rue. C'est ainsi que malgré des mises en garde véhémentes du président par intérim et de l'armée, des dizaines de milliers de partisans de Mohamed Morsi se sont une nouvelle fois rassemblés, hier, dans plusieurs villes d'Egypte, pour réclamer le retour du président islamiste déchu. Des cortèges partis de 18 mosquées du Caire à l'appel des Frères musulmans ont convergé dans l'après-midi vers deux sites que les islamistes occupent depuis près de trois semaines : la mosquée Rabaa Al Adawiya dans un faubourg au nord-est de la capitale et les abords de l'université du Caire, dans le quartier de Guizeh, plus proche du centre-ville. Intitulée «briser le coup d'Etat» – allusion à la destitution de M. Morsi par l'armée le 3 juillet – la manifestation d'hier a connu une forte adhésion. Des manifestations islamistes avaient également lieu en province, à Al Arich (nord Sinaï), Marsa Matrouh (nord-ouest), Beni Suef et Minya (Moyenne-Egypte) selon la télévision publique. Des rassemblements des adversaires de M. Morsi avaient été également annoncés sur la place Tahrir et près du palais présidentiel. La mobilisation des anti-Morsi, dont l'objectif de chasser le Président a été atteint, a toutefois été moins forte que celle des islamistes ces derniers jours. Le président par intérim Adly Mansour, un magistrat de profession désigné par l'armée après la destitution par les militaires de M. Morsi, a prévenu, jeudi à la télévision, qu'il mènerait «la bataille pour la sécurité jusqu'au bout» face à la volonté des islamistes de continuer à mobiliser dans la rue. De son côté, l'armée a averti dans un communiqué que «quiconque a recours à la violence dans les manifestations de vendredi met sa vie en danger», précisant toutefois que l'appel s'adresse aux «divers groupes politiques». Droits de l'homme : l'ONU inquiète Alors que M. Morsi est toujours détenu par l'armée, une vague d'arrestations a aussi eu lieu parmi les membres des Frères musulmans. Devant cette «répression», la confrérie a refusé toute négociation avec M. Mansour et affirmé qu'elle poursuivrait ses rassemblements pour réclamer le retour de l'ancien Président. Les violences depuis le renversement de M. Morsi ont fait plus d'une centaine de morts. Plus de 50 personnes, toutes des partisans de Morsi, ont notamment péri le 8 juillet devant le quartier général de la Garde républicaine, tandis que sept autres ont perdu la vie dans la nuit de lundi à mardi au Caire, lors de heurts en marge de manifestations. Inquiète de l'évolution de la situation, la Haut-commissaire de l'ONU chargée des droits de l'homme, Mme Navi Pillay, a tenu à rencontrer, le 10 juillet, l'ambassadeur d'Egypte auprès de l'ONU à Genève, pour lui demander des explications concernant les arrestations après les événements du 3 juillet. Mme Pillay a notamment demandé la liste des personnes arrêtées en rapport avec les événements du 3 juillet et au-delà, si elles sont toujours en détention et sur quelle base légale, a ajouté le porte-parole. La responsable de l'ONU a souhaité avoir des informations sur le nombre de personnes actuellement détenues en lien avec ces événements et a demandé sur quelle base juridique se fondait l'arrestation de l'ancien président Morsi et de son équipe. L'ONU s'est aussi intéressée à la composition de la commission d'enquête instaurée par les autorités ad interim sur les massacres perpétrés le 8 juillet devant les bâtiments de la Garde républicaine. Les mêmes demandes ont été transmises, sous forme écrite, au gouvernement égyptien, le 12 juillet. La Haut-commissaire a aussi informé les autorités égyptiennes qu'elle souhaitait déployer une équipe pour suivre la situation sur le terrain. Mais pour le moment, c'est le silence radio du côté du Caire. Il est vrai que les nouvelles autorités égyptiennes ont un calendrier beaucoup plus urgent à réaliser : éviter à l'Egypte de sombrer dans le chaos.