La salle Ibn Khaldoun a accueilli, durant deux soirées de suite, les derviches tourneurs de Konya de Turquie. L'assistance, a été émerveillée, lundi soir, par la ronde et le tourbillon divin des derviches tourneurs. En effet, durant une heure et demi, le public, assez nombreux, a été emporté par la magie opérée pendant tout le spectacle. Un spectacle qui s'est scindé en deux moments forts : le chant et la danse. Le rideau se lève. Neuf musiciens sont assis avec leur instrument aux mains. Un moment de concentration suffira pour qu'enfin le «la» de la soirée soit donné par un musicien, jouant avec un petit instrument à cordes appelé le rebab. Un autre instrument, en l'occurrence, le quanoun, viendra se fusionner au premier. Une réplique des plus délicieuses et des plus complices est à l'honneur. D'autres instruments s'élancent à l'unisson et des voix s'élèvent pour venir chanter des morceaux spirituels. Place ensuite à la deuxième partie du spectacle avec les derviches tourneurs. Une procession d'artistes envahit la scène, sapés d'une longue tunique noire et d'une toque marron de forme cylindrique. L'heure est à la méditation et à la spiritualité suprême. Certains musiciens rejoignent leur pupitre d'autres s'accroupissent sur le parquet un long moment pour une méditation assurée. Ils se lèvent subitement en retirant leur tunique noire. Mains croisées sous leur habit et pieds l'un sur l'autre, ils s'inclinent magistralement pour accomplir l'usage du salut. Les derviches tourneurs dansent, sous l'œil vigilant d'un sage, accompagné par un chanteur. Des complaintes religieuses en turc et en arabe se laissent entendre avec délectation, à l'image de Ya habib Allah ya rassoul Allah.Dans une chorégraphie des plus étudiées, les derviches réussissent à atteindre une forme de transe spirituelle en tournoyant sur la piste. En effet, vivant pleinement leur danse, ils se laissent emporter par la pensée de Dieu, atteignant, ainsi, l'extase. L'un des musiciens, en l'occurrence, Mostefa Khelfet, nous explique, en aparté, qu'il y a une grande concentration d'esprit. «Tout est dans la technique et chaque mouvement doit être en cadence avec la musique. Pour devenir derviche, il faut une formation d'une année au préalable suivie par la suite d'une série de représentations», explique-t-il. Notre interlocuteur indique que la danse des derviches n'est autre qu'une prière, menant à l'unisson suprême avec Dieu. Elle revêt une dimension cosmique. Pour rappel, la ville de Konya détient des derviches, tous affiliés au courant religieux et philosophique islamique. Les derviches furent fondés au XIIIe siècle par le sultan Valâd. Ils sont connus en Turquie comme «l'Ordre» des Mevlevi. Nées du soufisme, ses bases philosophiques ont été initiées par le mystique persan Djalâl ad-Dîn Rûmî. Né au début du XIIIe siècle, Rûmi percevait qu'au-delà des appartenances religieuses ou nationalistes il n'existait qu'une seule humanité vivant de manière différente dans la forme transpersonnelle, mais se rejoignant dans le fond.