Le spectacle des derviches-tourneurs, le public semble en redemander. Après leur passage pathétique à la salle Atlas le ramadhan 2009, la célèbre troupe de Turquie, les derviches de la ville de Konyia, ont fait une halte à Tlemcen capitale de la culture islamique, où se déroulait la semaine culturelle turque, puis dès cette semaine, ils seront de nouveau à la salle El Mouggar. Comme quoi, ce ne sont pas seulement les tlemceniens qui profitent des festivités du grand Tlemcen 2001, mais aussi un autre public. Exceptionnelle, cette troupe soufie connue dans le monde entier, qui sera donc de retour dans la capitale où elle a fait, lors de son premier passage, un spectacle très remarqué et même mémorable. Originaire de Konya, la ville où a été fondée la confrérie soufie des Mevlevi, cette troupe de derviches-tourneurs présentera le Sema, une cérémonie religieuse dansée dont l'origine est attribuée au sage et poète mystique Mevlana Jalaleddin Rumi (1207-1273). Cette danse extatique permet au derviche d'accéder à un état de communion avec Dieu. Chaque détail du rituel est empreint de symbolique : le manteau sombre dont les danseurs se dépouillent avant d'entrer en mouvement, représente l'enveloppe matérielle à laquelle l'homme renonce avant de s'unir à Dieu ; les larges robes blanches évoquent le suaire et les toques coniques, le sépulcre. La tête légèrement penchée vers la droite, la main droite levée vers le ciel, la gauche tournée vers la terre, les danseurs exécutent un mouvement giratoire lent pouvant évoquer celui des planètes. Associés à la danse, le chant et la musique tiennent une place essentielle dans le rituel mevlevi. Par la conjugaison du souffle et des mouvements corporels le zikr (invocation du Nom divin) est censé mener les derviches à l'extase. Quant aux instruments, à côté du kanun (cithare), du tanbûr (luth) et du bendir (tambour sur cadre), les deux plus emblématiques du soufisme turc sont le ney, flûte de roseau dont le son épuré évoque le chant de l'âme, et le tanbûr, luth au long manche dont seuls les Turcs ont conservé l'usage. D'autres troupes étrangères sont également attendues ou sont passées déjà à l'exemple de la troupe tunisienne dirigée par le cheikh Ziad Gharsa, la troupe syrienne que dirige le cheikh Noureddine Kourchd . Historique Il faut savoir que l'ordre Mevlevi est un ordre musulman soufi fondé à Konya au XIIIe siècle par Jalal al-Din Rumi, dont les membres sont souvent appelés " derviches-tourneurs " en référence à leur danse appelée Samà' (ou Sema), dont les mouvements rappellent ceux d'une toupie. Le danseur tourne d'abord lentement puis très rapidement, jusqu'à ce qu'il atteigne une forme de transe, durant laquelle il déploie les bras, la paume de la main droite dirigée vers le ciel dans le but de recueillir la grâce d'Allah, celle de la main gauche dirigée vers la terre pour l'y répandre. L'origine de cette manifestation reste inconnue. Ce n'est qu'en 1950, que le gouvernement turc légalisa l'ordre à nouveau et permit aux derviches-tourneurs de faire une représentation annuelle le 19 décembre, date anniversaire de la mort de Jalâl ud Dîn Rûmî. Par la suite, il y eut de nombreuses représentations des cérémonies de derviches-tourneurs, depuis les premières tournées qui eurent lieu à Londres ou en 1972 aux états-Unis. Il y eut également une représentation pour le pape Jean-Paul II. En avril 2007, ils se produisirent aux états-Unis à guichets fermés dans les plus grandes villes du pays. Une des particularités de l'organisation de cette voie Mevlevi est que traditionnellement il y avait non pas un, mais deux shayh, maîtres spirituels, dans les Mevlevi Hane : un qui s'occupait ouvertement de l'organisation du lieu et un autre qui éveillait les cœurs des disciples. Par adab (convenance et savoir-vivre traditionnels), la désignation du shayh visible était entérinée par le Celebi de Konya, c'est-à-dire le descendant le plus âgé de la famille de Djelal-Eddine Roumi résidant à Konya ; mais comme dans les autres tariqas soufies, la désignation du shayh capable d'éveiller les disciples se faisait par le précédent shayh capable de le faire. C'est ainsi que l'ordre existe toujours en Turquie, officiellement conduit aujourd'hui par le 20e arrière-petit-fils (22e génération) de Rûmî, Faruk Hemdem Celebi. Cependant, l'islam orthodoxe réfute catégoriquement ce type d'agissements assimilés à des innovations religieuses.