Ma dernière chronique TV sur la diversité du programme de Ramadhan, produit aussi bien par les chaînes publiques que privées, et ses conséquences sur l'intérêt du public m'a valu un courrier assez critique. Non pas sur l'idée développée selon laquelle le téléspectateur ne trouve pas toujours son compte face à une variété d'émissions de divertissement à laquelle il faut s'adapter désormais, ni d'ailleurs sur le fond du problème de la qualité d'ensemble de ces émissions qui sont loin de faire l'unanimité, et que beaucoup trouvent en deçà des attentes, mais bien sûr le fait d'avoir tiré du lot des réalisateurs engagés dans la responsabilité de relever le niveau des émissions sus-citées le nom de Djaffar Gacem que d'aucuns me reprochent d'avoir trop encensé, alors que son mérite est, selon eux, tout juste relatif et sur lequel il y aurait beaucoup à dire. Si je comprends parfaitement le sentiment d'injustice ou même de discrimination ressenti, notamment par ceux de la corporation qui ont a leur actif un travail et un parcours respectables et une crédibilité qui parlent pour eux-mêmes si elle a évolué loin des projecteurs, je dois à ces derniers d'abord une précision de taille formulée comme un mea culpa pour lever toute équivoque. Présenter Djaffar Gacem comme le seul réalisateur capable de rivaliser avec les standards internationaux a été sûrement une maladresse impardonnable compte tenu du fait que nombreux existent parmi ses pairs qui ont les aptitudes et compétences requises pour atteindre la perfection. Mais en se mettant uniquement dans la position d'un téléspectateur qui a le souci de l'exigence technique et artistique et en plaçant Djaffar Gacem au top des réalisateurs grâce à ses œuvres à succès, l'intention n'était absolument pas de dévaloriser tout le reste mais de citer une référence professionnelle qui fait recette et qui devrait normalement créer un vrai mouvement d'entraînement. Personne ne pourra contredire le constat de faiblesse qui émerge des productions télévisuelles algériennes. Le débat qui devrait être entretenu en permanence n'est pas de savoir si Gacem est meilleur qu'un autre, mais de chercher les vraies raisons qui font que nos télés, avec leurs moyens qui sont considérables, n'arrivent pas encore à se hisser à un niveau artistique, voire carrément culturel, qui corresponde à la valeur réelle de nos réalisateurs. Pourquoi nos productions ne trouvent-elles pas preneurs dans le marché de la télévision mondiale ? Ni même dans celui du monde arabe qui reste la propriété exclusive de quelques pays ? Ni même au niveau du Maghreb où le marché de la télévision a pourtant de grandes chances de devenir interactif ? La réponse est simple : contrairement aux produits égyptiens, syriens ou libanais, qui sentent depuis quelque temps le souffle de la concurrence turque, les nôtres ne sont pas suffisamment armés pour soutenir la comparaison. A part quelques rares exceptions qui ont valu dans le temps une marque de sympathie toute relative à l'image internationale de la production télévisuelle algérienne, appuyée d'ailleurs par l'obtention de distinctions symboliques lors de festivals arabes, le «label» national, si on peut l'appeler ainsi, éprouve, cinquante années après l'indépendance du pays, et malgré tous les efforts que l'Etat déploie pour développer le secteur de l'audiovisuel, les pires difficultés à franchir les frontières. Il n'y a plus de mystère à faire là-dessus : la télévision nationale n'a pas encore trouvé ses marques pour être compétitive. Le grand paradoxe est, nous disent les spécialistes, sa grande faiblesse à ne pas savoir ( ou pouvoir, peut-être même vouloir) utiliser ni les moyens mis à sa disposition, encore plus dramatiquement les compétences dont elle recèle et qui souvent sont marginalisées parce qu'elles refusent de se laisser corrompre par le système bureaucratique qui sévit impitoyablement et qui élimine sur son passage toute voix discordante. De nombreux correspondants m'ont, à ce propos, carrément stigmatisé pour avoir porté aux nues Djaffar Gacem sans connaître en profondeur le secteur, le milieu de la télévision et de l'audiovisuel qui demeure, selon des interlocuteurs très avisés de la réalité du secteur, «un vrai panier à crabes». Ils posent ici le problème crucial du fonctionnement à une vitesse de la télévision qui aurait ses chouchous et ses pestiférés, tout dépend du camp où l'on se trouve. Plus prosaïquement, ils nous disent que ce ne sont pas toujours les compétences qui font la différence mais souvent les accointances avec le système. Sur le cas de Djaffar Gacem qui ne m'intéressait que comme créateur de renom porté sur un générique, et dont on ne peut, selon mon humble expérience d'observateur, ignorer sa grande maîtrise technique et artistique dans le domaine de la réalisation, on n'est pas allés avec le dos de la cuillère pour rétablir certaines vérités bonnes à dire. «Il a profité des milliards de HHC, me dit-on et à piqué les idées des autres. Il faut demander à Tayeb Déhimi et aux dialoguites qui ont travaillé dans Djemai Family ce qu'ils pensent de ce prestigieux real, ajoute-t-on. Il faut aussi enquêter sur ce queTimgad Prod a encaissé pour ces chefs-d'œuvre et voir tous les noms mentionnés dans le générique du sitcom et dans son feuilleton s'ils ont été payés et s'ils existent aussi…». Derrière la vitrine, comme on le constate, ça ne sent pas tellement la rose tel qu'on l'imagine. Et pour ceux qui expriment autant de dépit, cela va sûrement au-delà d'un simple sentiment de jalousie mal contenu. La preuve, un autre réalisateur déçu (ou révolté) de ma dernière chronique, tout en me traitant d'attaché de presse de Djaffar Gacem, a eu cette conclusion très singulière : «Vous nous avez exilés verbalement !... ». Une phrase qui résume toute la problématique d'une réalité télévisuelle enfouie et qui fait beaucoup de dégâts dans la corporation des réalisateurs. Je voulais juste faire une petite mise au point et voilà que je me retrouve avec une autre chronique polémique qui ouvre un large débat sur la face cachée d'un milieu qui ne peut évoluer que par la volonté de ses ardents défenseurs. Merci à mes pourfendeurs !