Djaffar Gacem fait partie de cette vague d'Algériens qui, au plus fort de la crise qu'a connue le pays, ont choisi de s'exporter. Rencontre avec un opérateur caméra au parcours exemplaire. Aujourd'hui, en compagnie de Sid-Ahmed Gnaoui, Djaffar Gacem est aux commandes de Timgad Production à l'origine d'une émission télévisuelle incontournable ces dernières années, Jil Music. Tout commence en 1998. Tout frais moulu à l'issue d'une formation de cameraman au 31 bd Mohamed V à Alger, Djaffar Gacem rejoint, avec trente autres élus, entre cameramen et ingénieurs du son, l'Entreprise nationale de télévision. En 1992, «C'est le ras-le-bol professionnel. Tout le monde ou presque ne pensait qu'à sa fiche de paye. Ce n'est pas ce à quoi je voulais me réduire. J'ai décidé alors de partir...» A Paris, il obtient une licence d'études cinématographiques et grâce à Catherine Gentille, une journaliste de TF1, il arrive à intégrer la chaîne. Là, il doit faire ses preuves, noyé dans un sentiment d'inégalité. «C'était lourd de porter un nom algérien à l'époque. Bien sûr, il n'y avait pas d'agressions, juste un sentiment qui me poussait à être à l'affût. Ma formation et mon expérience à l'Entv étaient suffisantes ; je n'avais rien à apprendre, sauf, peut-être, la discipline.» Ses classes dans les moeurs professionnelles de l'Hexagone, il les fera sur le plateau du journal télévisé avec Patrick Poivre d'Arvor. Mais il lui faudra attendre une autre émission tout aussi prestigieuse pour se libérer. Le déclic. En 1995, Sharon Stone est l'invitée d'Anne Sinclair à 7 sur 7. «Le réalisateur de l'émission a réuni les cadreurs. Il désirait faire quelque chose d'audacieux ; il nous a demandé si quelqu'un était en mesure de suivre la star de sa loge jusqu'à son entrée sur le plateau. Les déplacements des opérateurs caméra sont rigides en France, tout est soumis à un sévère planning, ce qui n'encourage pas la prise d'initiative et l'improvisation. En Algérie, en revanche, les opérateurs sont rompus à la débrouille. Ça m'a valu, au début, quelques remarques et remises à l'ordre, mais, pour cette fois, ça allait me servir». Djaffar Gacem se propose et réussit le coup avec quelques sueurs froides.