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Le «système Fawzi » dans le collimateur des services
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Publié dans El Watan le 26 - 07 - 2013

Le limogeage du colonel Fawzi, ex-responsable du Centre de communication et de diffusion (CCD) appartenant au DRS, prend une tournure inattendue.
A peine la nouvelle a fait le tour des rédactions que les langues se délient. Le site électronique Algérie Patriotique, appartenant au fils du général à la retraite Khaled Nezzar, révèle un bout d'une grosse affaire politico-financière et de détournement de deniers publics à laquelle le colonel Fawzi serait lié. Ainsi ce militaire, qui faisait la pluie et le beau temps dans le paysage médiatique algérien depuis une décennie, fait aujourd'hui les frais «des résultats de l'enquête d'habilitation diligentée par les services chargés de la promotion des hauts officiers de l'armée. Résultats avérés négatifs, le colonel Fawzi ne peut prétendre donc au grade supérieur. Ironie du sort, celui-là même qui utilisait les enquêtes d'habilitation comme moyen de pression et de chantage pour la délivrance des accréditations aux correspondants des médias étrangers ou pour l'agrément de nouveaux journaux selon la règle «docile ou hostile» est viré suite à une enquête d'habilitation. Que révèle celle-ci ? «Des affaires douteuses qui mériteraient des enquêtes approfondies», affirme un haut responsable de l'armée.
Le colonel Fawzi, chargé entre autres de la diffusion des informations concernant les affaires de corruption, se retrouve dès lors dans le collimateur des mêmes services auxquels il répercutait les «succès» de son propre travail. Parmi le personnel proche du colonel visé par les enquêteurs figure l'actuel directeur de l'ANEP, Ahmed Boucenna. «Il y a beaucoup d'anomalies dans le fonctionnement de l'ANEP, notamment sa gestion financière, les modalités et les critères d'attribution des encarts et des pages de publicité institutionnelle qui, à l'origine, est conçu comme étant une forme d'aide de l'Etat pour les journaux», explique notre haut responsable de l'ANP.
Selon une source à l'ANEP, le montant distribué sous forme d'insertions publicitaires depuis 2011 s'élèverait à 30 milliards de dinars (environ 300 millions de dollars), soit presque le double des investissements publicitaires du secteur privé algérien. Une bonne partie de ces investissements publicitaires se chiffre en euros ou en dollars qui vont dans les caisses des magazines étrangers censés promouvoir l'image de l'Algérie à l'étranger. Un magazine de l'Hexagone empocherait quelque 20 millions d'euros par an pour des insertions pas trop visibles. Compte tenu de l'opacité qui entoure ces attributions, il semble que cette manne constitue une caisse noire qui échapperait à tout contrôle des institutions de la République.
Soupçons
Pire, elle est devenue un moyen d'enrichissement illicite pour beaucoup d'hommes d'affaires, de fils de hauts responsables de l'Etat, de patrons et de pseudo-journalistes. Les soupçons ne s'arrêtent pas là. Dans la foulée du limogeage du colonel Fawzi, des «patrons de presse» «sont aussi visés par des enquêtes, certains sont soupçonnés d'enrichissement illicite aux frais de l'Etat, d'autres de transferts illicites de fonds vers l'étranger, d'acquisition de biens immobiliers en Europe, notamment en France et en Espagne». Ce véritable «hold-up» opéré à l'ANEP porte un nom : «le système Fawzi».
Ses ramifications s'étendent aux imprimeries de l'Etat, aux différentes formules d'aide à la production cinématographique et audiovisuelle et arrivent jusqu'à l'organisation des petits événements culturels. Le colonel régentait le tout et affermissait sa mainmise sans «gêne aucune. Si vous ne lui plaisez pas, vous n'aurez rien. Certains réalisateurs et producteurs ont dû accepter les conditions posées et édictées par le colonel pour pouvoir travailler», confie un réalisateur sur la place d'Alger, victime des agissements de ce militaire aux prérogatives élargies. Il est devenu au fil du temps, un acteur du milieu et tous les projets doivent être soumis à son approbation.
Des soupçons entourent les conditions de la création de chaînes de télévision en offshore et le rehaussement de simples agences de communication en chaîne de télévision. Pour les premières, l'argent contracté de l'ANEP et les impayés dus aux imprimeries de l'Etat auront, selon nos sources, servi à les financer. Le montant des dettes se chiffre en milliards et s'élèverait à quelque 3 milliards de dinars, rien que deux journaux à gros tirages contracteraient le tiers des redevances. D'autres n'ont jamais payé le moindre sou mais perçoivent des sommes colossales, l'équivalent du paiement de l'insertion de six pages de publicité institutionnelle quotidienne, que personne n'a jamais pu créé sous un prête-nom. D'autres agréments attendent l'approbation du ministre, l'on parle de près de 50 nouveaux titres avant la fin de l'année.
Le «système Fawzi» n'agit pas seul puisqu'il est secondé par celui de Saïd Bouteflika, le «parrain» de plusieurs titres créés récemment. L'arnaque ne s'arrête pas là, puisque le processus établi pour l'enrichissement rapide inclut le recrutement de jeunes journalistes dans le cadre de l'ANEM payés souvent à peine 8000 DA par mois. Ainsi l'éditeur peut empocher le reste en silence. Selon nos sources, «la hiérarchie a décidé d'épurer et de réguler la corporation pour mettre fin à ce système de prédation de deniers publics, l'Etat ne peut plus continuer à subventionner des journaux sans aura ni ancrage», assure un haut responsable sécuritaire. D'ailleurs, il s'agit à en croire nos sources de l'une des missions prioritaires assignées au nouveau chef de la CCD.


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