Les familles algériennes n'ont pas d'autres choix, cette année, que d'habiller leurs enfants avec des vêtements chinois durant les fêtes de l'Aïd. En effet, si la filière syrienne, qui a connu ses années d'or en Algérie, a disparu en raison de la situation qui prévaut dans ce pays, les filières chinoise et turque continuent à inonder le marché national en vêtements pour enfants et adultes. C'est pratiquement tout ce que proposent nos magasins et commerçants en cette période de grand rush, en l'absence du produit algérien, qui a fini par se faire rare, voire très rare. Des produits algériens adaptés à la demande locale et avec un bon rapport qualité/prix se font désirer. Les anciens commerçants ont fermé, laissant place aux nouvelles enseignes, ouvertes notamment dans le cadre de la franchise pour proposer des produits vestimentaires chinois. Les statistiques du Centre national de l'informatique et des statistiques (CNIS) le montrent clairement. En 2008 et 2009, la Chine occupait la première position en termes d'exportations vers l'Algérie, avec près de 150 millions de dollars (pour les deux années), suivie de la Turquie pour près de 20 millions de dollars. Le produit syrien était en troisième position, avant de connaître un déclin ces deux dernières années. C'est la même tendance cette année à la lumière de ce que trouvent les consommateurs sur le marché. «Ce sont des vêtements de qualité. Ils sont destinés au marché européen», expliquent, en effet, les commerçants pour vendre leurs produits et justifier les prix appliqués. Cette phrase revient d'ailleurs comme un leitmotiv chez les boutiquiers. Mais difficile de convaincre des parents quand un salaire ne suffit pas pour habiller trois enfants. «Avec mon salaire, je peux à peine acheter deux tenues», fait remarquer une mère de famille, avant de rappeler : «A notre époque, durant les années 80, il était aisé pour nos parents de nous habiller pendant les fêtes.» Elle regrette la déperdition du produit algérien sur le marché. C'est ce que nous avons d'ailleurs constaté à l'issue d'une tournée à travers de nombreux commerces de la capitale où les vêtements portant le label «Made in Algeria» sont peu présents ou presque pas. Avec la ruée du produit chinois, point de place pour un pantalon, une robe ou une jupe confectionnés localement. Quand c'est le cas, la matière première nous provient de l'empire chinois. Le textile, fief de l'informel et de la contrefaçon ! Dans d'autres situations, le vêtement est commercialisé via le circuit informel. Même les petites unités de confection privées qui employaient durant les année 70-80 une main-d'œuvre locale qualifiée ont disparu au fil du temps. Les opérateurs versés dans ce créneau ont fini par changer d'activité ou bien cédé à la tentation de l'importation, puisque les mécanismes mis en place privilégient «l'import-import» au détriment de la production nationale. Cependant, si le marché offre un grand choix en termes de qualité (puisque le produit chinois va du bas de gamme vers le haut de gamme), les prix restent élevés pour les bourses moyennes. Les ménages qui s'approvisionnent en produits textiles et chaussures chez les commerçants informels peuvent offrir une tenue complète à leur enfant pour 2000 à 4000 dinars, mais avec une faible qualité et souvent contrefaite. Le textile constitue en fait le fief de l'informel et de la contrefaçon. Et pour cause, le contrôle fait cruellement défaut à nos frontières, un déficit facilitant la pénétration sur le marché de produits de piètre qualité et constituant une véritable menace pour la santé du consommateur. Dans les magasins, les produits sont beaucoup plus chers. Un pantalon n'est pas cédé à moins de 2000 dinars, alors qu'une paire de chaussures est vendue en moyenne à 3000 dinars. Dans les boutiques huppées de la capitale et chez les franchisés, les tarifs sont exorbitants. Chez Actua par exemple, un jean tout simple est cédé à pas moins de 4400 dinars. Cela pour dire que le déclin de cette branche industrielle et la disparition du «Made in Algeria» pèsent également lourd sur les ménages qui se trouvent obligés de se rabattre sur le produit importé. Une situation qu'explique une représente de l'unité Macvil de Bordj El Kiffan, spécialisée dans la production de chaussures par «le manque de publicité». «Nous ne valorisons pas le produit fabriqué localement», nous dira-t-elle, reconnaissant tout de même que la chaussure pour enfants n'est pas produite localement. Ce qui va changer avec le projet de relance décidé pour le groupe Leather Industries. Une stratégie de relance et des résultats en attente La nouvelle stratégie de développement du groupe Leather Industries pour laquelle le gouvernement a dégagé une enveloppe de 5 milliards de dinars porte, faut-il le rappeler, sur la délocalisation vers Chéraga (Alger), des usines de cuir et de confection de Bordj El Kiffan et de l'unité de confection de Bab El Oued, déjà fonctionnelle. Ce qui permettra l'extension de leur capacité de production et la mise à niveau des équipements, et ce, pour remettre sur rails une filière partie en friche, car même le privé algérien est absent dans ce segment industriel. L'autre entreprise publique à avoir bénéficié d'un plan de redressement, est le groupe public algérien Confection et Habillement (C&H), et ce, en vertu de deux pactes d'actionnariat signés avec la société turque Ringelsan. Il est prévu dans ce cadre la réalisation de deux usines pour la production de différents articles d'habillement. 3600 emplois sont attendus de ces deux projets qui seront localisés à Béjaïa et Relizane. L'entrée en production de ces usines, dotées chacune d'un capital social d'un milliard de dinars, devrait intervenir dès septembre 2013. L'usine de Béjaïa, qui sera réalisée sur le site même de la société L'Algérienne du costume (Alcost), devrait produire des costumes, vestes, pantalons, manteaux et autres effets d'habillement. L'usine de Relizane, qui sera installée sur le site de la société de bonneterie d'Oued Mina, produira pour sa part des vêtements, chaussettes, polos, vêtements de sport et autres effets de bonneterie. En somme, pas moins de deux milliards de dollars à consacrer à la relance du secteur textile et cuir en Algérie d'ici à 2015.