Alors que le peuple cubain commémore le soixantième anniversaire de l'attaque de la caserne de la Moncada, près de Santiago, le 26 juillet 1953, ce carnet de voyage propose une plongée non exhaustive dans l'histoire de la révolution cubaine, à la découverte des sites, lieux et événements marquants des barbudos et leurs héros Che Guevara, Fidel et Raul Castro, Camilo Cienfuegos. Un périple organisé par l'association d'amitié franco-cubaine «Cuba linda» (cuba-linda.com) animée par Didier et Nadine Lalande et le soutien logistique de Nouveau Regard - Cuba FAT, sur le thème «Sur les traces de la révolution». Mais aussi des instantanés de vie au quotidien de la société cubaine post-révolutionnaire après quatre siècles de domination espagnole, 60 ans de protectorat nord-américain, 30 ans d'assistance soviétique et 20 ans d'autonomie, comme aiment à le dire de nombreux Cubains. Cuba. De notre envoyée spéciale
La colonisation de Cuba par l'Espagne commence à la suite du débarquement de Christophe Colomb sur la plus grande île des Caraïbes, le 27 octobre 1492. La première guerre, pour l'indépendance de Cuba, est déclenchée en 1868. Le 18 décembre 1898, est signé à Paris le traité par lequel Cuba se libère de la tutelle espagnole, pour tomber sous celle des Etats-Unis, jusqu'en 1959. Le mouvement pour l'indépendance éclate le 10 octobre 1868, lorsque l'avocat bayamais, Carlos Manuel de Cespedès, s'insurge contre l'occupant espagnol. Il affranchit les esclaves de sa sucrerie de la Demajagua. Il sera le premier président de la République cubaine. Un demi-siècle plus tard, des rangs du mouvement révolutionnaire (1953-1958) émerge Fidel Castro (né à Biran en 1926), un jeune avocat dont les premières activités politiques se développent en milieu universitaire et dans les rangs du parti orthodoxe. Fidel Castro se considère comme un héritier de José Marti qualifié de «bec d'or» pour ses dons d'orateur. Fidel part au Mexique afin d'organiser une expédition pour entamer la guerre révolutionnaire. Le 2 décembre 1956, Fidel débarque du yacht Granma à Las Coloradas, province d'Oriente, deux jours plus tard que prévu. Le débarquement est un échec. Le premier gouvernement révolutionnaire, dirigé par le premier magistrat Manuel Urrutia, est installé officiellement le 5 janvier 1959. Le 16 février 1959, Fidel Castro devient Premier ministre. 20 000 Cubains sont morts pendant la révolution En juillet 1960, Fidel annonce la nationalisation de toutes les propriétés nord-américaines. Cette mesure sera suivie, quelques mois plus tard, de la nationalisation des entreprises de la bourgeoisie cubaine ralliée aux Nord-Américains. Les Etats-Unis entravent l'économie cubaine avec l'aide de l'oligarchie, arment et financent la contre-révolution. L'administration Eisenhower rompt les relations avec Cuba en janvier 1961 et met en place une brigade de mercenaires dans le but d'envahir l'île. C'est l'invasion de la baie des Cochons, le 17 avril 1961. Les quatre priorités de la révolution cubaine Chaleureux, accueillant, affable, vivant et festif, autant de qualificatifs qui conviennent parfaitement au peuple cubain. Dès la fin de la journée, les places publiques se remplissent de monde. La révolution cubaine a fortement investi dans la culture. Celle-ci est une valeur communément partagée. Des théâtres, des salles de cinéma, des maisons de la culture partout, y compris dans les petites villes. On compte une vingtaine de théâtres sur toute l'île et environ 350 salles de cinéma. Dans le domaine de l'éducation, Cuba enregistre le plus grand indice d'alphabétisation d'Amérique latine. En ce qui concerne le sport, Cuba se situe parmi les dix premiers pays du monde. Dans le domaine de la santé, il existe un système intégral de prise en charge depuis le médecin de famille et les polycliniques jusqu'aux hôpitaux spécialisés et de recherche. Il est vrai que la révolution cubaine a fait de la culture, de l'éducation, de la santé et du sport les quatre priorités de la société à construire. Les résultats sont tangibles. Même si les structures sanitaires manquent souvent d'équipements, de médicaments et de matériels (du fait du blocus imposé par le gouvernement US depuis un demi-siècle), les Cubains sont soignés correctement et gratuitement et la bonne réputation de la médecine cubaine n'est pas usurpée. A telle enseigne que les médecins qui vont travailler à l'étranger (en Afrique et en Amérique latine) constituent, avec le tourisme, les deux principales sources de devises. Des carnets alimentaires pour assurer un minimum vital Les carnets alimentaires utilisables dans les magasins d'Etat – il y en a un dans chaque quartier – sont toujours en vigueur pour garantir un approvisionnement en denrées de première nécessité à toutes les familles et un minimum vital à chaque individu. Chaque Cubain a droit à 3 kg de riz par mois, 2 kg de poulet, 2 kg de haricots noirs… Sur les étals des marchés locaux, on trouve des tresses d'ails et d'oignons, des légumes secs, du poivron, de la tomate, du chou, de la courge, de l'ananas, de la mangue, de l'igname. Dans les boucheries, la viande est exposée à l'air libre. Le réfrigérateur est un article peu disponible et onéreux, sans compter les innombrables coupures de courant qui le rendent peu efficace. Les produits de consommation courante sont payés en monnaie locale, autrement dit à des prix très modérés, alors que les articles de seconde nécessité, voire de confort sont disponibles en monnaie convertible (le CUC, peso convertible 15 fois plus élevé que le peso local). Mais le CUC se généralise progressivement. Les importations représentent 80% des besoins en nourriture. Pour ses importations, Cuba passe de plus en plus par les BRIC. Toutefois, moins de 5% de la population est sous-alimentée, selon un rapport publié par le Programme alimentaire mondial (PAM), sur la période 2010-2012.Rien ne se jette, tout se récupère, se répare et se transforme, comme les voitures pour enfants à partir de cannettes de coca et de soda. Le président du Conseil d'Etat et du Conseil des ministres, Raul Castro, a insisté une nouvelle fois sur la nécessité de récupérer tout ce qui peut être réparé, dans le cadre de la politique d'entretien et de maintenance. Dans les rues, il n'y a pas de panneaux publicitaires, à la télévision les films ne sont pas coupés par des séquences de publicité. Plutôt des panneaux louant la Révolution ou de prévention sanitaire. Le régime s'assouplit et on relève une ouverture progressive de la société. Depuis 2006, de nouvelles mesures sont adoptées. Une classe moyenne nantie commence à apparaître, mais pas de millionnaires. De plus en plus de familles ouvrent leur domicile soit pour en faire des maisons d'hôtes accueillant des Cubains en villégiature en provenance d'autres régions du pays ou résidant à l'étranger, d'autres exclusivement des touristes étrangers, soit pour faire table ouverte d'une dizaine de couverts maximum. Les restaurateurs peuvent s'approvisionner chez des particuliers, les transactions immobilières entre particuliers sont autorisées. Depuis 2011, les Cubains peuvent vendre leur maison à des particuliers. Les paysans peuvent acheter jusqu'à 10 ha de terre. Le salaire moyen d'un fonctionnaire est de 25 CUC, ce qui pousse les Cubains, qui le peuvent, à avoir une seconde activité pour améliorer le quotidien. Selon des données officielles, quelque 400 000 Cubains exercent des activités non étatiques et le secteur privé devrait atteindre entre 40 et 45% du PIB du pays, dans un délai de cinq ans. Les Cubains peuvent acheter des téléphones portables, mais ces derniers sont encore trop chers. Les communications coûtent cher aussi. L'accès à internet progresse grâce à un accord avec le Venezuela. Depuis janvier 2013, les Cubains ont le droit de voyager à l'étranger. Ils n'ont plus besoin d'autorisation de sortie du territoire. Le passeport est valable deux ans. Et après 2017, au terme du mandat présidentiel de Raul Castro ? Le Parti communiste a été créé le 3 octobre 1965. Il compte un million d'adhérents, soit 9% de la population. Les «comités de la Révolution» (CDR), qui ont été constitués en 1960 pour assurer la vigilance et la défense de la révolution, s'occupent désormais des problèmes sociaux des habitants et d'actions de solidarité. Il y a un CDR dans chaque quartier. Cuba s'ouvre au tourisme en 1993, accueillant deux millions et demi de visiteurs par an. Les jeunes Cubains n'échappent pas à la mondialisation et à ses effets (consommation, mode vestimentaire, musique, look…). Des jeunes qui ont les mêmes goûts, les mêmes désirs que les jeunes du monde entier. Cuba dispose de six chaînes de télévision : une chaîne de sport, une chaîne éducative, une chaîne culturelle, une chaîne d'informations, une chaîne cubano-vénézuélienne (Télé Sur) ; trois grands quotidiens d'Etat : La Jeunesse rebelle, Granma, Trabajadores. Chaque ville a son journal local d'Etat. Il n'y a pas de presse d'opposition, mais des blogs sur lesquels les Cubains, favorables à plus de libéralisation et au pluralisme politique, expriment leurs opinions non sans risque de poursuites pour certains d'entre eux. Un million et demi de Cubains vivent en Floride, ils sont deux millions aux Etats-Unis. Les Etats-Unis encouragent l'immigration cubaine. L'Office des intérêts américains délivre 40 000 visas par an à des Cubains. La levée de l'embargo, instauré par Washington en 1961, est entravée par le lobby anticastriste, très puissant en Floride. Aux Nations unies, 188 pays se sont prononcés pour sa levée, seuls les Etats-Unis et Israël ont voté contre. Le gouvernement cubain est confronté à un dilemme : comment s'ouvrir sans hypothéquer les acquis de la Révolution ? Une libéralisation poussée ne profiterait-elle pas aux exilés et autres contras de Floride ? Un «socialisme du XXIe siècle» ne serait-il pas la solution médiane ? Une alliance régionale autour du Venezuela, notamment, ne serait-elle pas une alternative aux velléités hégémoniques nord-américaines ?