Les Etats-Unis et la France ont renouvelé hier leur determination à engager une opération militaire contre le régime syrien après le retrait britannique et les hésitations exprimées par l'Etat allemand. Lors d'une déclaration à la presse, le chef de la diplomatie américaine a évoqué une opération militaire «ajustée», assurant que les erreurs commises en Irak ne se répéteront pas. Washington fera sa guerre au régime syrien. Le secrétaire d'Etat américain, John Kerry, a déclaré hier que les Etats-Unis «devaient mener une action ciblée sans troupes au sol contre la Syrie». Pour les Etats-Unis, le régime de Damas a commis un «crime contre l'humanité qui ne devrait pas rester impuni», a martelé le chef de la diplomatie américaine. Une déclaration de guerre. L'US Navy, qui a renforcé ses capacités face aux côtes syriennes où elle dispose de cinq destroyers équipés de missiles de croisière, peut désormais charger. Sans attendre les conclusions de l'enquête des inspecteurs de l'ONU, John Kerry a affirmé avoir «la forte certitude» que le régime syrien était responsable de l'attaque aux armes chimiques qui a fait, selon lui, au moins 1429 morts, dont 426 enfants près de Damas le 21 août. Selon le secrétaire d'Etat, la Maison-Blanche s'est appuyée sur un rapport du renseignement américain et sur de «multiples» sources, attestant que le régime de Bachar Al Assad a eu recours à des gaz neurotoxiques dans cette attaque. «Les Etats-Unis concluent avec une forte certitude que le gouvernement syrien a commis une attaque aux armes chimiques dans les faubourgs de Damas le 21 août», indique ce document publié au moment où John Kerry donnait sa conférence au département d'Etat. Le discours du secrétaire d'Etat, qui s'apparente à une déclaration de guerre, est intervenu quelques heures seulement après la réunion du président Barack Obama, avec son équipe de sécurité nationale. Pour Kerry, la campagne militaire contre Damas, qui ne dépasserait pas quarante-huit heures, serait «un message envoyé à l'Iran et au Hezbollah» principaux soutiens de Damas. Le responsable américain s'est engagé à ce que son pays ne refasse pas l'expérience de la guerre contre l'Irak où de fausses informations et de fausses preuves sur des armes de destruction massive ont servi de prétexte pour renverser le régime de Saddam Hussein. «Nos services de renseignement ont passé et repassé en revue soigneusement les informations sur cette attaque chimique en Syrie le 21 août. Cela a été fait de manière plus attentive que lors de l'expérience de l'Irak. Nous ne répèterons pas ce moment», a promis M. Kerry. Il a également assuré que le président Obama «a dit très clairement que quelle que soit la décision qu'il prendra sur la Syrie, elle ne ressemblera en rien à l'Afghanistan, l'Irak ou même la Libye. Il n'y aura pas de troupes au sol». Après la défection de la Grande-Bretagne, allié traditionnel, les Etats-Unis comptent s'appuyer dans cette opération militaire sur la France, la Ligue arabe et l'Australie, a indiqué le chef de la diplomatie américaine. Ainsi donc, Washington, qui était en retrait depuis l'éclatement du conflit syrien contrairement aux autres pays occidentaux, reprend le contrôle de l'initiative internationale sur ce dossier. Contournant le Conseil de sécurité de l'ONU et les autres instances internationales, Washington est décidé à agir malgré une coalition internationale fragile et un scepticisme de nombreux pays. Le président Obama est allé jusqu'à condamner, hier, «l'impuissance» du Conseil de sécurité de l'ONU qui était incapable d'agir dans le dossier syrien, appelant le monde à ne pas être «paralysé». Le consensus international vole en éclats Les ardeurs guerrières étaient refroidies ces dernières quarante-huit heures. Evolution inattendue dans les positions des acteurs internationaux sur la crise syrienne, où de fortes résistances à l'action militaire se sont exprimées en Occident faisant croire à un fléchissement de l'option d'une intervention militaire en Syrie. Le secrétaire général de l'OTAN, Anders Fogh Rasmussen, qui écarte l'intervention directe de son organisation, le Parlement britannique qui a éteint les flammes guerrières de David Cameron, l'Allemagne, de son côté, qui exclut une participation à une intervention militaire, et enfin l'ONU qui temporise et attend les conclusions de ses enquêteurs sur place. Des positions qui ont fait voler en éclats le consensus international qui s'est construit au lendemain du massacre d'El Ghouta. Cependant, ces divisions au sein du camp des Alliés ne sont pas parvenues à stopper la machine de guerre. Face au scepticisme germano-britannique, l'axe franco-américain s'est solidifié et se dit plus que jamais décidé à lancer une campagne militaire contre le régime de Damas même sans les alliés traditionnels. Après le camouflet subit par le Premier ministre britannique, la Maison-Blanche a laissé croire que M. Obama se réservait le droit d'agir unilatéralement contre le régime syrien pour le «punir», sans attendre l'ONU ou ses alliés occidentaux. Le président américain, qui a parlé d'un «coup de semonce», s'est assuré le soutien actif de la France. «Oui. Chaque pays est souverain pour participer ou non à une opération. Cela vaut pour le Royaume-Uni comme pour la France. J'aurai ce vendredi un échange approfondi avec Barack Obama», a tancé le président français, François Hollande, hier dans une interview au journal Le Monde. «Ne pas agir, ce serait laisser faire. Aujourd'hui, une étape dans l'horreur a été franchie. Et c'est la riposte, et non l'inertie, qui imposera une solution politique», a plaidé le président français. Dans son «plan de guerre», Hollande estime que «toutes les options sont sur la table. La France veut une action proportionnée et ferme contre le régime de Damas». Mais il précise que l'objectif exclut le renversement de Bachar. «Je ne suis pas favorable à une intervention internationale qui viserait à ‘libérer' la Syrie ou à renverser le dictateur, mais j'estime qu'un coup d'arrêt doit être porté à un régime qui commet l'irréparable sur sa population», préconise-t-il. Du pareil au même. La Ligue arabe et l'Organisation de la conférence islamique, qui ont appelé, elles aussi, à une riposte ferme contre le régime de Damas, peuvent servir d'alibi et de «caution morale» à l'axe Paris-Washington. Pas seulement. La Turquie, importante puissance militaire au sein de l'OTAN et pays voisin de la Syrie, s'est engagée à rejoindre une coalition anti-Damas, même sans l'accord du Conseil de sécurité de l'ONU. Avec ce plan d'intervention militaire qui est en train de se mettre en place, peut-on gager que les jours de Bachar Al Assad sont désormais comptés ?