Inhumain est le moins qu'on puisse dire de ce qui arrive à la famille Merzouk, victime d'un système bureaucratique, injuste et de plus en plus sourd à la détresse de ses citoyens. Depuis le 30 avril, cette famille avec ses 15 membres est jetée à la rue et occupe la cage d'escalier de l'immeuble de la cité Daksi, où elle habitait dans un appartement au premier étage. Spectacle insoutenable, d'autant que femmes et enfants sont entassés jour et nuit dans cet espace exigu, fréquenté par les habitants et indigne d'une famille. L'une des femmes est d'ailleurs handicapée à 100%, obligée à rester couchée à même le sol. La famille Merzouk a fait l'objet d'une exclusion de ce logement social en application d'un jugement qui date de... 1994. N'étant pas le propriétaire en titre du bail de location, la famille qui occupe l'appartement depuis 1976 n'a jamais pu obtenir une régularisation de la part de l'OPGI, malgré le jugement rendu en sa faveur par la justice dans le procès intenté contre l'office. La veuve et les héritiers du propriétaire du bail ont saisi la justice pour récupérer le logement amorçant une longue procédure judiciaire qui sera tranchée en leur faveur par la Cour suprême selon le jugement du 12 mai 2003. La famille Merzouk, pour bloquer la procédure d'expulsion, a résisté jusqu'au 30 avril, date à laquelle une armada de policiers est venue appliquer le jugement et employer la force pour sortir les occupants. « Ils ne nous ont pas permis de faire sortir nos affaires, même pas les cartables des enfants », raconte la fille aînée en ajoutant que l'officier a été brutal contre la mère et déclarait « elli kra kra bekri » (les études étaient valables autrefois : ndlr), en refusant cette petite faveur. La famille Merzouk estime que l'expulsion est injuste faisant valoir le décret 98/43 fixant les conditions et modalités de transfert du droit des logements à caractère social relevant de l'OPGI qui lui permet dans son article 4 d'être régularisée. Laquelle régularisation a été prononcée, affirme-t-on, dans le jugement du 19 mai 2002, confirmé par celui du 1 juin 2003. Se trouve-t-on devant deux jugements contradictoires, l'un et l'autre définitifs ? Bref, un véritable imbroglio juridique aggravé sur la forme par « les comportements du huissier de justice chargé d'appliquer l'expulsion », selon l'un des membres qui ajoute que la famille a déposé une plainte contre lui devant les instances judiciaires supérieures « pour avoir exécuté un jugement au nom d'une personne décédée et sans nous avoir avisé dans les délais réglementaires ». La fille aînée fait dresser d'autres irrégularités dans le fond du problème et rappelle la position favorable de l'ex-wali de Constantine et le refus de la daïra de céder le logement aux plaignants sous prétexte que ce ne sont pas eux qui occupent le logement. Prié de s'expliquer sur cette affaire, le directeur de l'OPGI a déclaré que « ces gens sont des indus occupants du point de vue strict de la réglementation », avant d'ajouter à propos des faux utilisés selon la famille Merzouk par les plaignants : « Je les autorise à saisir la justice si mes services sont concernés ». Occuper un logement social pendant 30 ans et le perdre du jour au lendemain de cette manière et sans avoir les moyens d'aller ailleurs... Quoi qu'il en soit, une famille se trouve aujourd'hui dans la rue. Elle adresse un appel de détresse aux responsables sages de la wilaya pour que le tort soit réparé et que sa dignité soit conservée.