“Je ne crois en plus personne, j'en ai ras-le-bol des promesses, on n'est pas des citoyens nous autres.” C'est par ces paroles que le locataire, ou plutôt le chef de famille qui occupe le hall d'entrée d'un bâtiment au n° 2 de la rue Ben-Badis, nous a fait part de son désespoir. Cuisinier à l'hôpital Sainte-Thérèse, il s'est installé là depuis le 18 septembre 2004, date où sa mère, ancienne concierge de l'immeuble avec laquelle il vivait, a été expulsée de sa loge par voie de justice par le propriétaire de l'immeuble, décidé à recouvrer son bien. Depuis, n'ayant pas les moyens de payer le loyer d'un logement chez le privé, il a entrepris de multiples démarches auprès des services concernés, et “particulièrement à la daïra, qui n'ont abouti que sur des promesses non tenues”. L'environnement dans lequel vit cette famille est frappant par sa précarité. Des dizaines de cartons, contenant tout ce qu'ils possèdent, entourent des lits placés à proximité de la cage d'escalier. Nous le trouvons allongé sur l'un d'eux, regardant la télé placée sur un cageot. Les locataires de l'immeuble et leurs enfants passent devant eux sans même les voir, habitués à ce spectacle saisissant de misère. La saleté est partout. “Nous n'avons pas d'eau, et nous utilisons tous les matins la salle de bains et les toilettes d'un locataire généreux, et quand il n'est pas là, nous allons dans la rue.” Près de lui, trois adolescents scolarisés sont assis côte-à-côte sur un des lits. “J'ai pu caser leur sœur chez une tante, mais mes fils vivent ici avec moi. Ils font leurs devoirs à la lueur de la minuterie, c'est vraiment éprouvant.” “C'est surtout en hiver que c'est le plus effroyable. Le froid est insupportable, notre bouteille de gaz ne suffit pas à chauffer tout le hall. Si, au moins, on nous avait déplacés dans un endroit décent pour attendre d'être relogés !” déclare la vieille femme assise en tailleur sur un lit aux couvertures repoussantes de saleté. Pour ce père de famille en détresse qui, visiblement, n'est pas loin de “péter les plombs”, la patience a des limites. C'est le second ramadan qu'il passera avec sa famille dans ce hall d'immeuble, balayé par les courants d'air et sans aucune intimité. “Je suis à la limite de ce que peut supporter un homme. Si ça continue encore longtemps, j'ai mon plan pour faire cesser cet enfer”, devait-il nous déclarer, avant d'ajouter : “Mais, je ne partirai pas tout seul, je vous le jure !” Hafiza M.