Le poids d'une chaîne de télévision dans une campagne électorale est indéniable. Toutes les élections qui se sont déroulées dans le pays depuis l'indépendance l'ont été avec comme seul support la télévision nationale. «L'unique» ainsi est-elle désignée avec une forte dose péjorative. Rien sur les faisceaux algériens pour servir de contrepoids et donner la réplique. Ses plus forts moments auront été les décennies passées sous le régime de la pensée unique. La création d'une deuxième chaîne Canal Algérie s'exprimant principalement en français puis d'une troisième arabophone n'a pas modifié le discours politique ambiant qui est resté égal à lui-même. L'avènement de la parabole n'a, sur ce point précis, pas changé les choses. Les milliers de chaînes étrangères accessibles par ce biais aux Algériens ne leur offrent rien de bien consistant sur les événements qui les touchent de près. Tout au plus, consacrent-elles de courts moments polémiques avec cependant les limites que peut contenir un regard étranger. La législation, par son silence, n'autorise aucune création de chaîne de télévision ou de radio à partir du sol national. Pour contourner cet interdit, le groupe Khalifa avait créé l'année dernière une télévision bien algérienne mais basée à Paris. Et comme les satellites ne connaissent pas de frontières et que tous, ou presque, les Algériens disposent d'une parabole, la Khalifa TV était dans tous les foyers. Un autre ton, une manière plus vive de présenter les évènements. Un autre programme. Elle plaisait par sa différence tout en étant proche de la culture et des préoccupations des Algériens. La suite tout le monde la connaît. Les deux chaînes «Khalifa TV» et «Khalifa News» ont suivi la chute du groupe Khalifa. Au mois de mars dernier, était lancée, toujours à partir de Paris, une autre chaîne à l'adresse du public algérien. Le concepteur de Beur TV, qui n'est autre que le P-DG de la célèbre radio Beur FM que tous nos compatriotes outre-mer connaissent bien, l'a voulu dans le même esprit. Une télévision sans tabous, au discours honnête et ave raitement de l'information des plus professionnels. Bien que son rayonnement soit continental d'une manière générale et maghrébin en particulier, Beur TV est de plus en plus regardée en Algérie. Il faut dire que ses programmes ciblent, dans une large proportion, le public algérien. Il n'y a qu'à voir son programme spécial Ramadan pour s'en convaincre. A titre d'exemple la couverture de la guerre du Golfe sur cette chaîne était différente de ce que pouvaient voir ailleurs les Algériens. De riches débats avec d'éminents spécialistes ont occupé des créneaux horaires de grande écoute. Il en fut de même lors du séisme du 21 mai dernier, largement couvert avec des reportages et une libre expression qui a ébloui les Algériens peu habitués à une telle liberté de ton. Un tel espace n'avait jamais été occupé auparavant. Beur TV est venue à point nommé pour répondre aux attentes des téléspectateurs algériens. Ses plateaux sont ouverts. Toutes les tendances politiques que compte notre pays peuvent s'y exprimer. Nul doute que la prochaine campagne de la présidentielle dans notre pays aura ce plus qui a tant fait défaut par le passé. «L'unique» n'est plus la seule à apporter sa «bonne parole». D'autres voix se feront entendre grâce à ce média profondément algérien qu'est Beur TV. Les responsables de la chaîne travaillent d'arrache-pied pour mettre au point le programme et les couvertures lors de la prochaine campagne électorale. Offrir un autre son de cloche aux Algériens est de nature à contribuer à faire de ces élections, des élections réellement «honnêtes, propres et transparentes» restées jusque-là un voeu pieux. Avec la promesse faite par les autorités et notamment l'armée, que la présidentielle ne sera pas jouée d'avance, cette nouvelle fenêtre qui s'offre aux Algériens ajoutera plus de crédibilité au discours politique ambiant.