En Algérie, c'est connu, le champ audiovisuel a été verrouillé par le président de la République, qui en fait une chasse gardée. La télé peut-elle faire élire un président, et peut-elle en dégommer un autre? Voici deux exemples qui peuvent être considérés comme des cas d'école. Primo: L'Italien Silvio Berlusconi obtient pour la deuxième fois le poste de chef de gouvernement parce qu'il possède des chaînes de télévision privées qui ont fait campagne pour lui. Deusio: le président du Venezuela Hugo Chavez a failli être renversé par un coup d'Etat soutenu par des chaînes de télévision privées. Il n'y a pas à dire: le poids de l'image télévisuelle est énorme. C'est elle qui peut fabriquer un président et démolir ses rivaux. En Algérie, c'est connu, le champ audiovisuel a été verrouillé par le président de la République, qui en fait une chasse gardée, alors qu'une horde de zélateurs est payée pour être à son service exclusif. C'est un véritable rouleau compresseur qui s'est mis en marche et qui écrase tout sur son passage. Dans ces conditions, que reste-t-il à ses rivaux, sinon de s'accrocher à n'importe quelle bouée de sauvetage. Celle-ci existe fort heureusement, et elle se manifeste sous forme de chaînes satellitaires privées algériennes, même si elles sont de droit étranger, français essentiellement s'agissant de Beur TV et de Berbère TV, et de droit britannique s'agissant de Khalifa News. Autant dire que l'opposition va, à l'occasion de cette campagne électorale exploiter tous les canaux qui lui sont offerts. Ce qu'il faut retenir en premier lieu, c'est que ces chaînes font preuve de professionnalisme, et servent aux téléspectateurs un menu varié et alléchant. C'est ainsi que Khalifa News a diffusé une intervention remarquée de Abdallah Djaballah. Elle a même eu l'ingénieuse idée de permettre aux Algériens de découvrir le discours de candidature d'Ali Benflis, un discours qui avait été trituré, aseptisé, sucré par l'Entv, lui enlevant toute sa sève et tout son suc. Ces manières de faire auxquelles nous a habitué l'Unique rendent les discours des opposants du chef de l'Etat incolores et inodores. Tout le monde sait qu'une image médiocre peut desservir un candidat et lui coûter des milliers de voix, au point que les candidats sollicités par l'Entv sont partagés entre dire oui, en acceptant d'être démolis par les choix techniques et éditoriaux de l'Entv, ou bien non, en faisant le pari que les électeurs sauront comprendre ces choix de la chaise vide. C'est le cas entre autres du docteur Said Sadi, qui refuse de n'être qu'un simple faire-valoir du candidat Bouteflika. On peut se féliciter aujourd'hui du fait que les chaînes satellitaires qui nous viennent du ciel n'ont pas l'autorisation des autorités publiques algériennes, et tout laisse croire qu'il en sera ainsi à l'avenir, puisque les canaux d'expression vont se multiplier. La technologie dépassera toujours d'une tête la médiocrité de nos dirigeants. L'autre avantage de ces chaînes, qui ne sont pas soumises à un cahier des charges obsolète comme l'Entv pour couvrir en priorité les activités du chef de l'Etat, c'est qu'elle ne sont pas instrumentalisées et donc elles sont impartiales. Cela est le cas de Beur TV, dont le directeur Nasser Kettane assure que tous les candidats sans exception et sans parti pris sont invités à débattre de leur programme en toute objectivité. La même liberté de ton est laissée aux partisans de M.Bouteflika ou à ceux qui prônent le boycott. En d'autres termes, il n'y a aucun favoritisme sur Beur TV, et c'est tout à son honneur. Une autre chaîne satellitaire qui émet à partir de Paris, Berbère TV pour ne pas la nommer, défend avec le professionnalisme la liberté d'expression, offrant les mêmes chances à tous les candidats et à tous les courants politiques. Il n'est pas question de permettre à Jean-Marie Le Pen de défendre son point de vue, au même titre qu'Alain Juppé, et de ne pas le faire pour des candidats algériens d'horizons politiques différents, que ce soit le docteur Sadi, Abdallah Djaballah, Ali Benflis, Fawzi Rebaïne, Louisa Hanoune, ou M.Abdelaziz Bouteflika lui-même. Le fait est que des petites chaînes satellitaires qui nous viennent de loin donnent des leçons de déontologie à la vénérable Entv, qui a pourtant plus d'expérience et de moyens. Malheureusement, c'est l'orientation politique imprimée à cette chaîne nationale par les dirigeants du pays qui rende ses programmes insipides et bien sûr partiaux. Reste le cas de K.News. Certains auraient pu penser que cette chaîne fait de l'opposition à M.Bouteflika son credo, or le directeur de cette chaîne, M.Ali Oudjana assure que rien n'empêcherait le président - candidat de venir s'exprimer sur son plateau et défendre son programme électoral. C'est donc là aussi le professionnalisme qui est de mise et qui détermine le cahier des charges. Il s'agit pour cette chaîne comme pour les autres, de privilégier l'objectivité, le débat d'idées et la pluralité des opinions, en offrant les mêmes chances à tous les candidats à l'élection présidentielle du 8 avril.