Les initiateurs des Cadenas de l'amour sont revenus à la charge. Ils se sont donné rendez-vous, hier, sur le pont du Télemly pour y accrocher une deuxième fois leurs cadenas, arrachés quelques jours plus tôt par des jeunes du quartier. Lancée par deux journalistes de la presse écrite, l'initiative, soutenue par le maire d'Alger-Centre, venu lui-même accrocher son cadenas aux parapets grillagés, a suscité de vives réactions sur les réseaux sociaux. Les avis des internautes étaient nombreux, mais peuvent être facilement résumés ainsi : si les uns, nombreux, soutiennent ce geste qui offre aux jeunes l'occasion d'exprimer leur amour sur le «pont des suicidés», les autres, cramponnés à une lecture rigoriste de l'Islam, dénoncent le geste du groupe qui veut dévoyer la jeunesse algérienne entraînée dans l'erreur. Ces redresseurs de torts ne se sont pas contentés de poster leur message sur facebook, mais ont joint le geste à la parole en arrachant prestement les cadenas du blasphème. Il ont aussi pris, surtout, le soin de filmer leur geste héroïque. Habillés façon hip-hop, alors qu'ils dénoncent une culture occidentale conquérante, les jeunes Qaradhaoui en herbe montraient leur trophée, un lot de cadenas. Un imam cathodique, «officiant» sur une chaîne de télévision privée, a pris le relais en dénonçant avec véhémence le geste des jeunes Algérois. Pour lui, les déviants venus placer les objets de destruction massive ont commis un blasphème. Et doivent se repentir. Pis encore, une banderole fut accrochée sur la rambarde du pont. Une main anonyme y implore Dieu pour épargner à la Oumma la sanction qu'appelle l'attitude honnie des mécréants. L'événement et les nombreuses réactions ont un mérite : ils nous renseignent sur le clivage qui continue de séparer la société algérienne, confrontée dans sa chair aux dérives de l'intégrisme. Les personnes, connues pour être, pour certaines, proches du courant salafiste, dénoncent des «idées importées» qui n'ont rien à voir avec «nos traditions et les mœurs» du pays. Mais en quoi le geste de placer un cadenas peut-il représenter un danger pour nos valeurs ? Les prêcheurs diront que les valeurs défendues par les «occidentalisés» sont importées. Qu'importe !