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de lourdes dépenses publiques pour un maigre bilan
Programme quinquennal 2010-2014
Publié dans El Watan le 23 - 09 - 2013

Tout au long des quatre années du quinquennat 2010-2014, les gaspillages, les surévaluations, les surcoûts, les retards et les affaires de corruption ont été les principaux points qui ont caractérisé les projets lancés dans le cadre du programme présidentiel de 286 milliards de dollars, dont une partie (130 milliards de dollars) consacrée au parachèvement du programme précédent.
Ils sont en effet nombreux les projets à avoir dépassé le montant dégagé pour leur réalisation. L'autoroute Est-Ouest en est l'exemple édifiant puisque l'enveloppe est passée du simple au double. Bien d'autres chantiers ont consommé de fortes sommes d'argent puisées du Trésor. Le niveau des dépenses publiques a en effet été très important, atteignant parfois des seuils insoutenables avec le recours à chaque fois aux lois de finances complémentaires, à l'exception de cette année (en raison de l'état de santé du chef de l'Etat).
La Banque d'Algérie n'a pas manqué de relever cette situation dans son dernier rapport sur les évolutions économiques et monétaires en Algérie en 2012. «Il faut prôner une prudence budgétaire et consolider autant que possible ce qui a été accumulé», recommandent les rédacteurs dudit document, lequel souligne que depuis 2009 les soldes budgétaires globaux ont été déficitaires. Et ce, «avec des ampleurs inégalées» en dépit de la relative stabilisation des dépenses budgétaires d'équipement. En 2012, par exemple, le déficit budgétaire s'est accru en raison de la forte croissance des dépenses totales (22,5%) et en particulier celle des dépenses courantes (27,2%).
Des structures de contrôle sans résultats
Et pourtant, ce ne sont pas les orientations et recommandations portant sur la rationalisation des dépenses et les promesses d'évaluation annuelle du programme qui ont manqué au cours de cette période. L'accent a été mis à chaque fois sur la nécessité de dépenser sans excès et d'éviter le gaspillage sous toutes ses formes durant cette période d'embellie financière.
Cette volonté de mieux maîtriser les dépenses publiques dans l'exécution des grands projets d'équipement s'est par ailleurs manifestée par la mise en œuvre d'une série de mesures et la création de structures de contrôle. Il y a eu, à titre illustratif, le lancement du Guide de management des grands projets d'infrastructures sur initiative du ministère des Finances et sous l'égide de la Caisse nationale d'équipement pour le développement (CNED) créée, pour rappel, en 2005. Il y a eu également la promulgation de décrets sur le contrôle financier et sur les dépenses d'équipement pour que tous les projets aient des études de maturation validées par la CNED chargée d'évaluer tous les projets relevant du programme quinquennal 2010-2014.
Mais qu'en est-il des résultats ? Y a-t-il eu réellement maturation des projets ? Aujourd'hui, au moment où les responsables au sommet de l'Etat se penchent déjà sur le prochain programme, le pays se retrouve avec de nombreux chantiers et de projets en attente d'être lancés dans de nombreux secteurs. Une situation déjà vécue en 2009, au lendemain du premier mandat de Bouteflika.
De l'habitat au transport en passant par le développement rural, la pêche les travaux publics, l'éducation et la santé, le retard est criard et les disparités sont importantes entre les différentes régions du pays. Parmi les projets phares qui sont restés bloqués figure la diversification de l'économie. Avec toutes les enveloppes débloquées pour assainir les entreprises publiques et les remettre sur rail dans le but d'en créer des champions nationaux, pas de résultats satisfaisants à mettre au compte de ces efforts financiers. Idem pour la mise à niveau des entreprises dont le programme a fait l'objet de divergences et de tergiversations pour aboutir au final à un maigre bilan.
Aujourd'hui, seules 1300 entreprises sur les 20 000 PME éligibles au programme ont été retenues par le gouvernement alors que l'enveloppe est conséquente, de l'ordre de 5,5 milliards de dollars pour ce quinquennat qui entame son dernier virage avec une nouvelle équipe gouvernementale et un nouveau portefeuille ministériel pour l'économie, à savoir un ministère délégué auprès du ministre des Finances, chargé du Budget.
Un gouvernement sur lequel Sellal semble compter pour parachever le programme toujours dans la continuité. «Les projets vont continuer à se renforcer avec le nouveau gouvernement, cela va être une continuité avec une plus grande dynamisation», a-t-il souligné juste après l'annonce du remaniement ministériel. Les choses vont-elles réellement bouger ? En tout cas, le paramètre temps ne joue pas en faveur de cette équipe. Ni le paramètre finances, puisque l'équilibre de la balance de paiement est difficile à assurer avec des importations sans cesse en hausse et une production nationale toujours absente sur le marché national et sur celui de l'exportation. Les prolongations risquent fort de s'imposer encore une fois.
Echec des plans spéciaux de développement
Aux retards de réalisation des projets, le programme quinquennal 2010-2014 a été également marqué par des disparités régionales en matière de développement local. Ce rythme risque de compromettre les objectifs fixés, mais surtout de maintenir la pression sur le plan social dans des régions où l'accès aux services publics et à l'emploi continue à préoccuper les populations. Et ce, d'autant que l'offre reste restreinte pour l'emploi et les disparités importantes dans la répartition des entreprises économiques. Le recensement économique effectué en 2010 et dont les résultats de la deuxième partie ne sont pas encore dévoilés le montre clairement.
En effet, 66% des entités économiques sont installées au Nord contre 25% dans les hauts-Plateaux et 9% au Sud. Ce n'est qu'après les manifestations des chômeurs du Sud que le gouvernement a pris conscience de l'ampleur du chômage dans ces régions et de la nécessité de renforcer les conditions d'investissement et de création d'emplois à travers une série de mesures.
Une instruction a été donnée pour faire passer tous les recrutements dans les entreprises par l'agence de l'emploi. De nouvelles spécialités dans la formation professionnelle ont été lancées. Aussi, le premier ministre Abdelmalek Sellal, lors de son périple à travers plusieurs wilayas distribuait chaque fois des enveloppes financières importantes à titre exceptionnel pour rattraper le retard.
Les sorties de Sellal dans les différentes wilayas du pays au cours de sa première année à la tête de l'exécutif ont été marquées par la distribution d'enveloppes financières supplémentaires et à titre exceptionnel dans chaque wilaya visitée. Des enveloppes à prendre en charge dans la loi de finances 2014. Ce n'est en fait qu'un aveu d'échec des plans de développement spécifiques (hauts-Plateaux et Sud) lancés jusque-là.
«L'effort de l'état ne se mesure pas par l'argent dépensé»
«L'évaluation des politiques publiques est importante, surtout que les contraintes budgétaires seront de plus en plus importantes. C'est un élément important pour les dépenses publiques. L'embellie financière est dernière nous», avertit Zoubir
Benhamouche, économiste et membre du comité de pilotage de Nabni. Ayant présenté la semaine dernière certaines propositions de Nabni 2020 portant sur l'organisation de l'exécutif, M. Benhamouche a relevé la nécessité de changer d'approche dans l'évaluation de la performance de l'Etat. Pour lui, il y a lieu de bannir les «milliards de dinars» dans toute déclaration de politique publique, mais surtout tracer des objectifs clairs et d'en mesurer par la suite la performance des politiques publiques.
«Le seul indicateur, c'est l'impact des projets. L'effort de l'Etat ne se mesure pas par l'argent dépensé mais par l'impact sur le citoyen», estime pour sa part M. Najy Benhassine, également membre du comité de pilotage de Nabni donnant des exemples sur les expériences qui ont réussi dans ce cadre à l'échelle internationale. Il s'agit, de l'avis des deux experts, de suivre ces modèles et d'organiser le centre de l'exécutif autour d'une institution indépendante de suivi ou d'une unité stratégique et de conseil.
L'autre proposition de Nabni porte sur la signature de contrats de performance entre le premier ministre et les membres du gouvernement sur les objectifs à atteindre sans trop s'étaler dans le temps et dans la liste des points à prendre en charge. Le mieux serait, de l'avis de ces deux experts, d'entamer des expériences graduelles pour voir l'efficacité des actions entreprises sur le terrain. «Il est préférable de travailler sur ces sujets-clés et de ne pas se disperser», note M.
Benhamouche, avant de poursuivre : «Il vaut mieux perdre quelques années pour faire l'évaluation des projets lancés avant de les étendre». Or, ce n'est pas ce qui se fait sur le terrain. Les chantiers sont innombrables dans tous les secteurs, alors que l'efficacité n'est pas encore au rendez-vous. C'est le cas dans tous les programmes de développement lancés jusque-là.


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