Le jeune cinéaste bahraïni, Amar Koohedji, est en compétition officielle du court métrage au 7e Festival d'Oran du film arabe avec Sokoone. Un film qui revient avec finesse sur la condition de la femme dans les sociétés d'Orient. Sokoone (silence) a décroché quatre prix dans des festivals, notamment en Egypte et au Maroc. - Sokoone (silence), votre court métrage, aborde avec un certain courage une thématique assez sensible dans la région du Golfe. Comment est né ce projet ?
Pour moi, les sujets liés à la situation de la femme sont traités d'une manière superficielle, directe. On ne s'intéresse qu'aux aspects extérieurs. Le drame intérieur de la femme n'est pas évoqué, du moins, sur le plan artistique. Mon souhait était d'aborder cette thématique avec réalisme. J'ai donc raconté dans Sokoone l'histoire de deux filles, l'une fait partie de la noblesse et l'autre est une esclave. Les deux filles ne sont pas libres de faire ce qu'elles veulent, sont réprimées. Donc, elles sont au même niveau. Pas de différence. De plus, le viol demeure un sujet tabou dans les pays du Golfe. D'où le souci de la mère de la jeune Noire de Sokoone de cacher le drame en faisant circuler l'idée que la fille, qui a subi une agression sexuelle, était possédée par un djinn. La mère n'avait pas d'autres choix. Bref, le problème n'est ni dans la couleur de la peau, ni dans la pauvreté, ni dans la richesse. Il est ailleurs.
- Le court métrage semble permettre aux jeunes des pays arabes de mieux s'exprimer, de pénétrer l'univers du cinéma avec de idées fraîches ?
Au Bahreïn, et dans les pays du Golfe en général, on est en train de jeter les bases d'un production cinématographique. Nous avons déjà beaucoup avancé dans la production et la réalisation des courts métrages. Le Bahreïn compte déjà plusieurs jeunes cinéastes qui arrivent à participer aux festivals internationaux. Leurs films sont plutôt bien accueillis dans les pays arabes et en Europe. Cela dit, la production des films est encore faible. Il n'y a presque pas de conscience sur l'importance du cinéma. Cela concerne autant l'Etat que les détenteurs de capitaux. Ce n'est que récemment que les gens commencent à montrer de l'intérêt pour le septième art.
- Pourtant le Bahreïn possède un parc de salles de projection parmi les meilleurs dans la région arabe...
Nous avons plus de 45 salles de cinéma au Bahreïn. Des salles five stars où sont projetés des films américains. Les recettes de ces salles sont très bonnes. Le paradoxe est que ces recettes ne contribuent pas au lancement d'une véritable industrie cinématographique ou au financement des projets de longs métrages. Les pays du Golfe doivent suivre l'exemple européen en soutenant la production cinématographique indépendante. Et éviter l'exemple d'Hollywood qui impose une certaine manière de faire le cinéma. Je reste convaincu que les pays du Golfe vont passer dans les prochaines années à une phase qualitative de production de films. Liberté doit être laissée aux cinéastes pour exprimer ce qu'ils veulent. Nous manquons de scénaristes, de cameramen, de monteurs...Ceux que nous avons sont spécialisés dans les feuilletons télévisés (drama) uniquement.