Le manque de main d'œuvre dans le secteur du bâtiment freine de nombreux projets de construction. Construire sa maison est devenu de plus en plus difficile dans la wilaya de Tizi Ouzou, notamment en zone de montagne. En plus des prix exorbitants des matériaux de construction, les entreprises de réalisation doivent faire face au problème de l'indisponibilité de la main d'œuvre. Difficile de trouver un maçon ou un manœuvre libre pour son chantier. Les travailleurs du bâtiment ne cherchent plus du travail comme avant. Ils se font supplier et posent des conditions draconiennes. Très demandés, ils refusent de travailler à la journée, préférant le travail à la tâche, autrement plus rentable. Tout se négocie au mètre carré. «Il est plus facile de trouver un ingénieur en génie civil qu'un maçon. Même lorsqu'ils sont disponibles, ils font la fine bouche», nous confie un villageois qui se résout à retrousser les manches pour bâtir sa maison plutôt que de céder à leurs exigences. Il y a quelques années seulement, il suffisait de se rendre dans un café pour les trouver en train d'attendre un hypothétique employeur qui veuille bien leur donner du travail. Les entrepreneurs privés ne sont pas non plus mieux lotis. Ils n'attirent plus les ouvriers comme auparavant, en leur faisant miroiter quelques avantages, telle que l'assurance maladie ou les cotisations pour la retraite. Un jeune rencontré au café du centre, au chef-lieu de la commune de Ain El Hammam, parle d'un métier pénible et dégradant aux yeux de la société. «Notre carrière ne dure pas longtemps. On ne peut pas dire que nous demandons des salaires exagérés. Sitôt que nous sommes abandonnés par nos forces, nous nous retrouvons sans retraite ni assurance sociale. Nous sommes à la merci de la moindre maladie», explique-t-il. Le peu de maçons susceptibles d'être employés, monnaient leurs services au prix fort. Les «moins chers» du marché exigent une rémunération de 2.200,00 DA/jour. «Même à ce prix, ils sont très rares. Ils préfèrent travailler à la tâche. Ce qui leur assure un revenu considérable. La pose du carrelage, à titre d'exemple, est «facturée» à 500,00 DA le mètre carré. Ce qui lui assure une rétribution variant de 5.000 à 8.000 DA/jour. Plus qu'un cadre moyen», nous apprend un entrepreneur qui avoue qu'il ne peut pas accepter les exigences de ces travailleurs, et qu'à ce prix son entreprise ne s'en sortirait pas. «Les jeunes sont attirés de moins en moins par les métiers du bâtiment, salissants et fatigants», nous dit un vieux maçon qui se dit confronté à un autre problème : «On ne trouve plus de manœuvres, même à 1.000 DA la journée». Un fonctionnaire nous raconte qu'il a arrêté son chantier faute de main d'œuvre. «Les anciens maçons et manœuvres de ma connaissance sont tous convertis en entrepreneurs, grâce aux dispositifs de l'ANSEJ, de la CNAC et autres. Ils sont tous devenus des patrons». C'est aussi le cas de Da Smaïl, un septuagénaire qui craint de ne pas terminer sa toiture avant l'hiver. «Un maçon de mes connaissances consent à se libérer deux jours par semaine pour me rendre service, mais sans son manœuvre. Que puis-je faire d'autre que de me convertir en aide-maçon à mon âge ?», s'est-il interrogé. Si les auto-constructeurs peuvent différer leurs travaux en attendant de meilleurs jours, les patrons d'entreprises ayant bénéficié de marchés étatiques se trouvent, eux, dans la «contrainte de subir le dictat de cette main d'œuvre si prisée, pour éviter des retards préjudiciables à leur entreprise». «C'est ce qui explique que de nombreux chantiers traînent en longueur», ajoute notre interlocuteur qui se demande si «un jour nous n'allons pas importer de la main d'œuvre».