Style flatteur et obséquieux, le nouveau patron du FLN en appelle ardemment au «sens du devoir» du «grand frère moudjahid». Ce n'est pas – encore et tout-à-fait – la lune de miel mais une «opération de charme» : c'en est une. Incontestablement. Entre les vieux frères ennemis, le Front de libération nationale (FLN), ex-parti unique, et le Front des forces socialistes (FFS), le vieux parti de l'opposition, se confondent bel appel du pied et classique : «Je t'aime, moi non plus.» Rendue publique hier, la lettre adressée (dimanche 22 septembre) à Hocine Aït Ahmed, président d'honneur du FFS par Amar Saadani, SG du FLN, est l'archétype de la parade amoureuse. Style flatteur et obséquieux, le nouveau patron du FLN en appelle ardemment au «sens du devoir» du «grand frère moudjahid» qu'il invite «à participer à la dynamique politique qui anime le pays dans le but de rassembler et de mobiliser les rangs de ceux qui aiment leur patrie». Autrement dit : une invite à rejoindre l'alliance présidentielle en gestation : FLN-Mouvement populaire algérien (parti de Amara Benyounès) et le Rassemblement espoir Algérie (Taj de Amar Ghoul). Dans sa missive, Saadani exhortera le président du FFS à sortir de sa retraite genevoise et à reprendre du service actif. «Votre retrait de la vie politique est une grande perte», estime Saadani. «Tant, justifie-t-il, par rapport à ce qu'aurait pu être votre contribution intellectuelle et politique au débat national (…) que par rapport à la crédibilité que vos seuls nom, renom et présence peuvent procurer au caractère démocratique de ce débat.» Tout en endossant l'initiative de cette écriture épistolaire, Saadani n'associera pas moins le nom du président Bouteflika. Incontournable. «Je vous écris en votre qualité de figure historique (…) et au regard de la place prestigieuse qui est la vôtre dans l'estime de son excellence Monsieur Abdelaziz Bouteflika», tenait-il à préciser. «Dans cette affaire, commente un haut responsable du FLN, Saadani n'est qu'un prestataire de service.» La lettre est soufflée et inspirée, selon lui, par le président Bouteflika. «Aucun doute : Bouteflika veut embarquer Aït Ahmed quelque part en proposant au FFS une alliance dans la perspective des prochaines échéances électorales. En contrepartie, le FFS aura sa part dans le prochain gouvernement.» La même source se dit cependant sceptique quant à la suite qui sera donnée à cette proposition politiquement indécente. «Ce n'est pas à son âge et au crépuscule de sa carrière qu'il se laissera passer de la pommade et qu'il acceptera pareils marchandages», même si elle admet que le FFS «n'est pas à son premier accord politique» avec le FLN et à son premier ministre au gouvernement. Comme en 1965 (reddition du FFS) et en 1994 (Contrat de Rome dit de Sant'Egidio), le FFS a de tout temps gardé des passerelles objectives avec le Front de libération nationale dont Aït Ahmed est un des fondateurs historiques. Sur les propositions qui lui sont faites, le FFS ne bronche pas. Ou si peu. Youcef Aouchiche, chargé de communication du FFS, affirme que le parti est dans «l'attente» de la réponse de Hocine Aït Ahmed. «La lettre lui a été personnellement adressée. C'est donc à lui qu'il revient d'apporter la réponse qu'il jugera nécessaire.» Vendredi dernier à la salle Sierra Mæstra (commune de Sidi M'hamed), Ahmed Betatache, le premier secrétaire du FFS, a donné la réponse du berger à la bergère. Lors de son meeting, Betatache avait fait montre de la disponibilité de son parti à négocier un accord avec le pouvoir politique, un «consensus, dit-il, pour changer le système et non pour le pérenniser». «On négociera pour la liberté, pour les droits de l'homme, pour l'amazighité, la démocratie, mais nous ne négocierons jamais pour de vulgaires postes», prévenait le premier secrétaire.