Une vidéo du chanteur kabyle Idir fait le buzz sur les réseaux sociaux. Il est question d'autonomie de la Kabylie et de Ferhat Mhenni, président du Mouvement pour l'autonomie de la Kabylie (MAK). Certains ont un peu trop vite conclu à un soutien franc et direct d'Idir au projet politique d'autonomie de la Kabylie. La réalité est tout autre. Il suffit d'écouter attentivement pour s'apercevoir que le message ne souffre aucune équivoque. Idir, fidèle à lui-même, défend le droit de Ferhat à exprimer librement ses opinions politiques. «Ferhat est fils de chahid. Son père est mort pour ce pays. Donc, légitimement, personne ne peut lui donner de leçon de patriotisme ou de nationalisme», dit-il d'emblée. L'auteur d'Avava Inouva souligne qu'au lendemain de l'indépendance, tout le monde était heureux et fier d'appartenir à un pays qui venait de réussir sa Révolution. Cependant, et ce n'est pas le moindre des paradoxes, ce pays qui, dans les années 1960 et 1970, luttait pour que chaque peuple ait son droit à son existence, opprimait son propre peuple et déniait aux Amazighs le droit d'exister en tant que tels. Idir enchaîne naturellement avec cette révolte de la jeunesse kabyle frustrée de ne pas voir sa culture reconnue. D'autant plus que cela venait de la part d'un personnel politique issu de l'armée des frontières et qui n'avait pas la légitimité du combat libérateur ni celle des négociations des Accords d'Evian. «Je suis un Algérien, certes, mais à partir du moment où ma langue et ma culture ne sont pas reconnues, donc je suis Algérien moins que les autres. Donc si je ne suis pas reconnu, je vais chercher les voies et moyens pour être moi-même», dit Idir, en parlant de ce sentiment qui habitait les Amazighs en général et les Kabyles en particulier. «Si on ne donne pas à Ferhat l'occasion et les moyens d'exprimer ses idées, comment voulez-vous comprendre ce qu'il veut exactement ?», s'interroge Idir, pour lequel il faudrait d'abord écouter jusqu'au bout Ferhat et les partisans de l'autonomie. «Je peux ne pas être personnellement d'accord avec ses idées, mais je dois l'écouter. Qui sait, il a peut être raison ?», dit-il. Pour Idir, Ferhat n'a jamais été autorisé à s'exprimer librement. «Le crime est là», dit-il à propos de ce déni d'expression et surtout de la diabolisation dont l'ex-leader d'Imazighen Imoula a fait l'objet de la part de tous les cercles médiatiques et politiques proches du pouvoir. «Que tu sois d'accord ou pas avec lui est une chose, mais l'empêcher de parler et lui faire des misères en est une autre», dit-il. Idir réitère la position qui a toujours été sienne vis-à-vis du pouvoir en place en Algérie. Tant que tamazight n'est pas reconnue en tant que langue et culture nationale et officielle, sans arrière-pensée ni manigance, il n'y aura pas de terrain d'entente avec ce pouvoir. «Comment voulez-vous que j'aille chanter en Algérie avec cet esprit-là qui dit en substance : tu es sous notre pouvoir, tu es moins Algérien que nous et si on veut que tu viennes, tu viens, si on ne le veut pas, tu ne viens pas. Moi je n'accepte pas ce marché de dupes», dit-il. Pour Idir, le sang a coulé dans toutes les régions d'Algérie et personne ne peut être plus Algérien ou moins Algérien que les autres. Fidèle à son statut d'artiste rassembleur et éloigné des chapelles partisanes, Idir conclut: «La politique est un métier à part, et moi…», le reste des paroles se perd dans le brouhaha d'une chanson, mais il n'est pas difficile de deviner la suite.