Le monde entier a applaudi au fameux coup de fil entre Obama et Rohani. Peut-être, en effet, sera-t-il le prélude à une remise à plat du «malentendu» historique entre les Etats-Unis et l'Iran. Le monde se portera sans doute mieux ; il y aura, en tout cas, moins de tension. Le président américain était visiblement enchanté par une telle perspective. Oui, pourquoi ne pas faire la paix avec l'Iran qui n'est peut-être pas le fantôme qu'on décrit à tort et travers ? Côté américain, il y a clairement une disponibilité à tenter le coup de se rabibocher avec l'allié d'hier. D'il y a trente ans, d'il y a une révolution... Mais ce coup de fil historique n'est pas tombé dans l'oreille d'un sourd. Le Premier ministre israélien, Benjamin Netanyahu, a tôt fait de ruer dans les brancards. Il a aussitôt sonné l'alerte atomique contre un Iran nucléaire. Il a exhorté (ou ordonné) à Obama de ne pas prendre pour argent comptant le verbe mielleux de Hassan Rohani. Netanyahu organise sa riposte autour d'une idée claire : pourquoi faire la paix quand on peut faire la guerre ? Vu de Tel-Aviv, le choix est vite fait. L'attitude belliqueuse que développe le Premier ministre israélien confine au cynisme. Depuis New York et Washington, il multiplie les avertissements, les alertes et les mises en garde contre une détente irano-américaine. De quoi je me mêle, finalement ? Bonne question. Mais la réponse est évidente. Dans la tête de Netanyahu, une reprise de langue entre les Etats-Unis et l'Iran équivaudrait ipso facto à une prise de distance entre Washington et Tel-Aviv. Ce qui n'est pas tout à fait juste. Du temps du shah, ce ménage à trois a très bien fonctionné. Faut-il rappeler aussi que c'est Israël qui a aidé l'Iran à faire son entrée dans la sphère fermée des pays nucléarisés. C'est en effet vers 1958 que le programme nucléaire iranien a été mis au point grâce à un coup de main de sociétés israéliennes et françaises. L'Iran et Israël ont donc des atomes crochus depuis des décennies. Ceci pour l'histoire. Il faut savoir en outre que la communauté juive d'Iran est parfaitement intégrée et ne souffre aucun clivage ni discrimination. Cette histoire de «rayer Israël de la carte» prononcée par l'ex-président Ahmadinejad sert opportunément d'épouvantail pour permettre à Netanyahu de verser des larmes de crocodile et de cultiver et diffuser le complexe du persécuté. Hier encore, il s'est répandu en déclarations de guerre et autre littérature d'épouvante pour court-circuiter le rapprochement américano-iranien. C'est de bonne guerre de la part d'un homme et d'un régime qui vivent dans la peau de la victime. Et la survie diplomatique de la victime suppose l'existence d'un bourreau qui brandisse sa menace. Or, ces premiers pas entre Rohani et Obama dans la bonne direction de la paix chamboulent totalement les plans de la droite israélienne. Il fallait donc brandir le carton rouge. «Un Iran nucléaire dangereux comme 50 Corées du Nord», «Israël prêt à frapper seul un Iran nucléaire», ou encore «Israël ne laissera pas l'Iran obtenir des armes nucléaires». Ces coups de sommation de Netanyahu ont été reçus cinq sur cinq à la Maison-Blanche. Après avoir déclaré, la semaine dernière à l'ONU, qu'il allait «donner une chance à la diplomatie» pour tenter de résoudre le dossier nucléaire iranien, Barack Obama corrige le tir. «Si les négociations échouent, nous ne renonçons à aucune possibilité, dont l'option militaire», a-t-il nuancé hier, en recevant Benjamin Netanyahu à la Maison-Blanche. Cela rappelle les premiers engagements d'Obama sur un Etat palestinien libre avant d'exclure lui-même la perspective. Ces «zigzags» d'Obama confirment qu'un président américain n'est pas spécialement le maître du monde. Les promesses d'Obama sur l'Iran et sur d'autres sujets n'engagent que ceux qui les croient. Au fait, et le programme nucléaire israélien ?