C'est la première fois qu'un deuil national est décrété dans toute la péninsule, à la mémoire des migrants morts en Méditerranée. En ce triste vendredi, les Italiens ont voulu se rappeler les 300 réfugiés somaliens et érythréens engloutis par la mer à quelques mètres des côtes italiennes. Plusieurs d'entre eux auraient pu être sauvés par les nombreux chalutiers qui ont croisé leur route, mais l'indifférence a eu raison de leur rêve d'une vie meilleure. Rome (Italie) De notre correspondante Ils étaient environ 500 migrants, des Somaliens et des Erythréens, dont des enfants et des femmes enceintes, à avoir embarqué au port de Misrata, dans l'est de la Libye, à destination de l'eldorado européen. Les passeurs les ont entassés, serrés comme des sardines, sur une petite embarcation dirigée vers les côtes italiennes. «On était tellement à l'étroit qu'on ne pouvait même pas bouger», a confié l'un d'eux à des secouristes très émus par ce drame immonde. Alors qu'ils approchaient finalement des côtes siciliennes, pas loin de l'île des Lapins, les migrants ont décidé d'alerter les autres bateaux, face à leur détresse, en brûlant une couverture. Mais l'essence répandue sur le pont a transformé l'embarcation en torche et les malheureux réfugiés n'ont eu que le temps de se jeter à l'eau, alors que la plupart d'entre eux ne savaient pas nager. Repérés par un chalutier qui a donné l'alerte, seuls 151 naufragés ont eu la vie sauve grâce aux secours rapides qui se sont lancés à leur rescousse pour leur éviter le pire. Mais pour plusieurs autres dizaines, on parle de 300 personnes, environ, il était déjà trop tard. Une centaine de corps, surtout des femmes et des enfants, gisant à 40 m de profondeur, ont été localisés jeudi soir, par les plongeurs de la marine italienne. L'un des présumés passeurs, un Tunisien, reconnu par les migrants, a été arrêté par la police italienne. La maire de l'île de Lampedusa, Giusi Nicolini, en larmes face aux journalistes, ne mâche pas ses mots : «C'est l'horreur continue.» Face aux dizaines de morts qui se multiplient au fur et à mesure que les vedettes des garde-côtes font l'aller-retour au port, elle laisse échapper : «Nous ne savons plus où entasser les corps.» Le souverain pontife a, lui aussi, des mots très durs pour décrire son sentiment face au drame poignant qui a frappé, une fois de plus, l'île de Lampedusa, qu'il avait visitée lors de son premier voyage en tant que nouveau pape. «C'est une honte. De telles tragédies ne doivent pas se répéter.»Le secrétaire général des Nations unies, Ban Ki-moon, a estimé que ce drame des migrants africains aux portes de l'Europe devrait «pousser à l'action». Pour sa part, le chef de l'Etat italien, Giorgio Napolitano, a appelé à une collaboration avec «les pays de provenance de ces flux de migrants demandeurs d'asile» afin d'instaurer «un contrôle permanent des côtes d'où partent ces voyages de désespoir et de mort» Lundi passé, 13 autres réfugiés érythréens ont trouvé la mort, pas loin des plages de Raguse (sud de la Sicile), après que les passeurs les ont obligés, à coups de cravache, à se jeter à l'eau. Les 200 autres ont eu la vie sauve grâce aux secours. Un autre groupe de réfugiés, syriens, a touché terre, mercredi passé, sur les plages de Syracuse.