L'Algérie est un bon pays pour les investisseurs.» Eloge quasi offensant par lequel le patron du géant de la sidérurgie mondiale, Lakshmi Mittal, a tenu à agrémenter l'apologie de l'accueil «chaleureux» qui lui a été réservé en Algérie. Capitaliste convaincu, le patron du groupe ArcelorMittal s'est montré paradoxalement ravi de la signature d'un nouveau pacte d'actionnaires entre son groupe et l'entreprise publique Sider sonnant, pourtant, le glas d'une privatisation qui lui aura totalement bénéficié. Celui qui estimait, il y a quelques mois à peine, que le concept de nationalisation ne peut être qu'un «I» sur le plan de la logique économique, ne semble pas plus que ça troublé par la «renationalisation» du complexe sidérurgique El Hadjar et des mines de fer de Tébessa. Et pour cause : fortement endetté, sous le feu des critiques depuis plusieurs mois en Europe, débouté il y a quelques jours par un arbitrage pour ne pas avoir respecté ses engagements au Sénégal, le groupe sidérurgique a signé, hier à Alger, un accord inespéré avec Sider. Lakshmi Mittal insiste sur le fait qu'un nouveau pacte d'actionnaires permettra de lancer un plan d'investissement ambitieux dans la mesure où celui-ci concède au groupe algérien Sider 21% des actions détenues par ArcelorMittal dans le complexe El Hadjar et les mines de Ouenza et Boukhadra, lui permettant ainsi de devenir majoritaire, et ce, «à titre gracieux». Or, comme rien n'est jamais sans conséquence et que donc rien n'est gratuit, comme le précise à bon escient Confucius, l'argument de la gratuité de la nouvelle transaction qu'agite Mittal cache mal le tribut que paieront les Algériens à ce simulacre de nationalisation. Car des fonds publics seront injectés en masse dans le plan de développement des mines et du complexe sidérurgique. Le ministre du Développement industriel et de la Promotion de l'investissement a décliné, hier, de manière presque candide les grands axes de ce plan Marshall de plus d'un milliard de dollars. Amara Benyounès a précisé aux journalistes que pas moins de 720 millions de dollars seront consentis à titre «d'investissement direct», 120 millions de dollars représentent des apports en numéraires par les actionnaires dans le cadre d'une augmentation de capital, de toutes les manières réclamées par les créanciers publics de l'entreprise. Traduction : un apport majoritaire en numéraires de la part de l'actionnaire majoritaire, Sider. Restent 600 millions de dollars qui seront apportés par la contribution des banques nationales via des crédits «à taux avantageux». Des fonds qui viendront renflouer les caisses d'un partenaire en pleine tourmente financière. 355 millions dollars seront, eux, prélevés sur le cash-flow de la nouvelle entité «ArcelorMittal Algérie» pour compléter le montage financier d'un plan de développement profitant largement des avantages de l'ANDI. Sur le plan du management, Sider, en tant qu'actionnaire majoritaire, pourra prétendre à la présidence du conseil d'administration, tandis que la direction et le management effectif seront conservés par le partenaire. Il aura ainsi tout le loisir de mener un programme d'investissement susceptible de porter les capacités du complexe El Hadjar à 2,2 millions de tonnes à l'horizon 2017. Le partenaire s'engage à réhabiliter la filière fonte et le haut fourneau, mais aussi à «développer une nouvelle capacité d'un million de tonnes de produits longs à travers une nouvelle filière électrique». Autrement dit, la transformation de la ferraille et des préréduits. Des matières premières en quantités insuffisantes sur le marché, à moins d'un développement rapide des mines de Gara Djebilet et de Mecheri Abdelaziz, dans la wilaya de Tindouf. Enfin, sur le plan social, les travailleurs semblent comblés par le nouvel accord accompagné d'un pacte de stabilité sociale encadrant d'ailleurs des augmentations de salaires en 2013, 2014 et 2015 à 12%, 3% et enfin 3%. Comme quoi, à être trop bonne pâte on risque de finir dans le pétrin. D'ailleurs, certains cadres n'ont pas caché, hier, leur déception quant au contenu de l'accord estimant que dans ces conditions il aurait été plus judicieux pour Sider de reprendre la totalité des actions de l'entreprise pour gérer seule le plan de développement du complexe.