S'il y a une réalité largement partagée par les acteurs politiques et les médias, c'est bien que la voix de l'Algérie ne porte plus comme avant. Diplomatie des «petits fours» et diplomatie des «démentis» sont, entres autres épithètes peu glorieuses collées, à tort ou à raison, à un département sensible et censé bien représenter les Algériens connus pour avoir la fierté à fleur de peau. D'aucuns ont relevé que le couple Medelci-Messahel n'a pas vraiment fait bon ménage. Ce dernier, qui a enfilé hier son ancienne casquette de diplomate, a tenté de farder le bilan de ses «safaris» africains. Mais les faits sont têtus : la diplomatie algérienne s'est faite déborder dans le contient noir, a fortiori dans le Sahel où elle a terriblement manqué d'anticipation stratégique. Et ce ne sont pas les satisfecit que se sont autodécernés, hier, à l'occasion d'une conférence de presse, le ministre des Affaires étrangères, Ramtane Lamamra et son collègue de la Communication Abdelkader Messahel, qui vont lifter ce bilan. Le constat vaut aussi pour ce qu'il convient d'appeler le Printemps arabe qui a été plus subi qu'«affronté» par notre diplomatie. Le fait que le département de Lamamra ait invité la presse pour amorcer une espèce de partenariat gagnant-gagnant, dans le cadre d'une communication institutionnelle efficiente, est en soi un aveu d'échec de la stratégie du black-out. A trop vouloir déconnecter la presse et les Algériens des questions diplomatiques, le légendaire consensus national sur la politique étrangère s'est quelque peu lézardé. Le fait que les positions de l'Etat à l'égard de la Libye, de la Syrie voire même de l'Egypte et du Mali ont largement fait polémique. Un signe qui ne trompe pas que la doctrine algérienne a pris des rides… Mariage de raison C'est visiblement pour en finir avec cette dichotomie que Ramtane Lamamra et Madjid Bouguera (ministre délégué aux Affaires africaines et maghrébines) ont décidé de s'ouvrir aux médias. C'est en soi une bonne idée que de permettre aux journalistes de fourrer leurs nez dans la mise en musique de la politique étrangère de l'Algérie. Ramtane Lamamra a sans doute raison de soutenir que la «stabilité de l'Algérie, sa position géographique, sa masse territoriale, ses ressources énergétiques et son histoire» constituent des «atouts» de nature à booster son influence. Mais dire que louer «la vitalité de sa démocratie pluraliste et de ses institutions, le savoir-faire et la force de proposition et de mobilisation de sa diplomatie» prête forcément à polémique selon qu'on soit au pouvoir ou de l'autre côté de la barrière… Cela dit, le nouveau chef de la diplomatie veut travailler étroitement avec les médias et c'est tant mieux pour tout le monde. Après tout, l'accès facile aux sources a ceci d'intéressant qu'il permet d'éviter des commentaires malheureux, des conclusions hâtives et fausses et des extrapolations tirées par les cheveux. Pour le reste, le nouveau ministre n'a pas annoncé une révolution diplomatique. Il a surtout réaffirmé les fondamentaux de la politique étrangère algérienne qui, pour le coup, n'ont pas pris de ride… Soutien réaffirmé à la cause sahraouie, qui découle de la fidélité de l'Algérie «à sa propre histoire et à son attachement à la légalité internationale». UMA ? «Une grand dessein et une grande espérance.» Le Sahel ? «Sécurité et stabilité par le développement.» L'Afrique ? «Renaissance par le panafricanisme des solutions africaines aux problèmes de l'Afrique.» Partenariat gagnant-gagnant En somme, rien de bien orignal d'un point de vue doctrinal. Ramtane Lamamra a par ailleurs estimé dans sa feuille de route, distribuée à la presse, que le «salut du monde musulman passe par une authenticité fécondée par la modernité». Et d'ajouter que «l'extrémisme et le terrorisme poussent le monde musulman dans l'impasse». Le MAE pense que l'Algérie a vocation d'être «artisan et bénéficiaire de dynamiques de transformation des relations internationales». Passant en revue les différents «sigles» régionaux, continentaux et internationaux (ONU, UA, OCI, Ligue arabe…) au sein desquels l'Algérie émarge, M. Lamamra promet que l'Algérie «sera un exportateur net de stabilité». Pour ce faire, il compte sur l'apport décisif des médias qu'il a invités à se rapprocher de son département pour un long compagnonnage dans l'optique de défendre les intérêts de l'Algérie. Son collègue Abdelkader Messahel appuie que cette collaboration sera formalisée par une «stratégie de communication institutionnelle» dont le document est «en train d'être finalisé». Madjid Bouguera, lui aussi, s'est dit convaincu que «la diplomatie ne peut se concevoir sans communication. Il faut qu'il y ait une relation de partenariat pour défendre les intérêts de l'Algérie». Soit. Mais la diplomatie doit, elle aussi, être celle de l'Etat algérien et non celle du régime. Le mélange n'est pas toujours sain.