Il y a 33 ans, le 10 octobre 1980, la région d'El Asnam (aujourd'hui Chlef) était dévastée par un violent tremblement de terre d'une magnitude de 7,2. On dénombrait plus de 3000 morts, des milliers de blessés et autant de familles sans abri. Le gouvernement de l'époque avait décidé de lancer un plan d'urgence en trois phases pour recaser les sinistrés dans des logements décents et reconstruire les zones touchées.Quelle est la situation aujourd'hui ? Force est de constater malheureusement que la réalité est tout autre : les victimes du séisme occupent toujours des habitations en préfabriqué, érigées à la périphérie de l'ancien tissu urbain. 18 000 familles y vivent encore aujourd'hui dans des conditions dramatiques, exposées à tous les dangers en raison de l'état de délabrement extrême de ces constructions. D'ailleurs, ils sont nombreux ceux qui croient que ce type d'habitat est en partie responsable de l'augmentation des cas de cancer dans la région. «Plus de la moitié des malades admis au centre anticancer de Blida viennent de Chlef», soutient un praticien de la ville sans donner d'autres détails. «La vie ici est quasiment insoutenable à cause des infiltrations d'eaux pluviales en hiver et de la chaleur infernale qui y règne en été», déplorent des habitants, qui se disent abandonnés à leur triste sort. A l'extérieur, le constat n'est guère reluisant, avec des routes à la limite de l'impraticable, des réseaux d'éclairage public défectueux et des services de base quasiment inexistants, tels les commerces de proximité, les polycliniques et les structures de loisirs. Les populations ont longtemps dénoncé cette situation, mais le pouvoir est resté sourd à leurs revendications. Il aura fallu attendre les violentes émeutes d'avril 2008 pour qu'il réagisse enfin en décidant d'octroyer, à chaque famille concernée, une aide de 700 000 DA, qui a été augmentée, depuis peu, à 1,2 million de dinars. Cependant, la mesure n'a jusqu'à présent pas suscité un grand engouement, puisqu'à fin août dernier, il n'y avait que 2500 demandes déposées au niveau de la commission de wilaya.«Il est quasiment impossible de construire une nouvelle habitation avec une telle somme, d'autant plus que notre pension mensuelle ne dépasse guère les 20 000 DA. De plus, ce dispositif se heurte à des obstacles bureaucratiques et à des exigences difficiles à satisfaire. On nous oblige, par exemple, à financer les premiers travaux par nos propres moyens», se plaint un groupe de retraités. Le centre-ville, censé être la vitrine de la wilaya, n'échappe pas à la règle, tant il se clochardise de plus en plus et garde les stigmates du violent tremblement de terre comme ces bâtisses fissurées menaçant ruine. On est donc loin de la vision positive des concepteurs de l'époque qui voulaient en faire une «cité moderne, belle et plus sûre». Au contraire, «la ville n'a ni âme ni perspective et a perdu tous ses repères, se dirigeant vers l'inconnu à cause de l'absence d'une réelle volonté politique et d'une vision futuriste au niveau des décideurs», conclut, dépité, un Asnami rencontré dans un café du centre-ville. En fait, cette déclaration résume le sentiment d'abandon qui est ressenti par la population locale.