Parmi les nombreux points qui figuraient dans le communiqué final qui a sanctionné la visite du chef de l'Etat en Espagne, il a été question, entre autres, de soutenir le moratoire des Nations unies sur la peine de mort. Il est vrai que c'est certainement le sujet qui a été le moins commenté. Il est même passé inaperçu tant les observateurs avaient l'ouïe tendue vers des dossiers jugés prioritaires. Le gaz, l'électricité, la circulation des biens et des personnes, la lutte contre le terrorisme...La question de la peine de mort, a, elle aussi, eu droit de cité dans les discussions qui ont animé la quatrième rencontre de haut niveau entre l'Algérie et l'Espagne. Que se sont dits Abdelaziz Bouteflika et le président du gouvernement espagnol, José Luis Zapatero? «Les deux parties appuient le moratoire sur la peine de mort des Nations unies et continueront de travailler au sein du groupe d'appui de la commission internationale contre la peine de mort pour parvenir au plus grand consensus possible en la matière», indique le communiqué commun dans son point 8, qui informe par ailleurs qu'une invitation à participer à la réunion du groupe d'appui qui doit avoir lieu à Madrid le 15 janvier 2010, a été a adressée à l'Algérie. On n'en saura pas plus pour le moment. Cela constitue par contre, une occasion de relancer un débat qui a agité la classe politique algérienne, notamment, à la fin de l'année 2008. En effet, le 6 décembre 2008, Ali Brahimi, député du Rassemblement pour la culture et la démocratie, venait de déposer une proposition de loi portant abolition de la peine de mort. L'argumentation de l'élu du peuple repose, particulièrement, sur l'observation depuis 1993 du moratoire concernant les exécutions des peines capitales par l'Etat algérien, aucun condamné à mort n'a été exécuté depuis cette date, qui a, pour la seconde fois consécutive, renouvelé son soutien à la résolution de l'Organisation des Nations unies portant sur la peine de mort. Cette initiative a été sèchement accueillie par les tenants d'un Islam rigoriste. C'est par la voix du président de l'Association des uléma algériens qu'elle a été le plus farouchement combattue. «Celui qui pense qu'un verdict humain est meilleur qu'un verdict divin est un apostat. Il doit divorcer de sa femme musulmane et être enterré dans le cimetière des apostats», a déclaré dans une «fetwa» enflammée Cheikh Abderrahmane Chibane, vers la mi- janvier 2009, soit pratiquement une année, jour pour jour. La peine de mort est une torture, un supplice pour les abolitionnistes. «La peine capitale est un châtiment corporel, un supplice, et moi je suis contre le châtiment corporel», avait souligné Farouk Ksentini, président de la commission nationale pour la protection et la promotion des droits de l'homme, au cours d'une conférence de presse qu'il a animée conjointement avec Miloud Brahimi, avocat et farouche opposant à la peine capitale, à l'occasion du 60e anniversaire de la Déclaration des droits de l'homme. «Si l'Algérie veut être de son temps, elle doit abolir la peine capitale...Ainsi notre pays donnera l'exemple, comme il l'a toujours fait au reste du monde arabo-musulman», a ajouté, pour sa part, M.Brahimi. La réplique ne s'est pas fait attendre. «Je leur demanderai à ces derniers si la peine de prison est plus répressive que la peine de mort, la loi du talion ne peut qu'être que plus répressive que la peine de prison et les travaux forcés», leur a répondu le président de l'Association des uléma algériens. Le débat reste ouvert. Tous les hommes de religion ne sont pas du même avis que Cheikh Abderrahmane Chibane. Cheikh Smati, qui s'est exprimé au nom du Haut Conseil islamique (HCI) a ouvert une brèche: il ne voit aucun inconvénient à ce que l'Etat algérien se prononce en faveur de l'abolition de la peine de mort. Le gouvernement finira par rejeter la proposition de loi du député du RCD. Il le justifiera par l'intensification de la lutte contre le terrorisme et le crime organisé. Il est toutefois à retenir que l'Algérie, en instaurant ce type de débat, comme celui sur les harraga, le logement, la préservation du pouvoir d'achat ou bien encore le chômage, aura affiché sa volonté de faire partie du cercle des pays civilisés, jusque-là considéré comme le pré carré des sociétés occidentales. En incluant sans réserve ce point dans la déclaration commune entre l'Espagne et l'Algérie lors de sa visite à Madrid, Abdelaziz Bouteflika y aura contribué.